Paire de fauteuils cannés « à la reine » par Jean Avisse

... bien soulignées, et une assise toute aussi large dont la partie supérieure de la ceinture de l’assise apparaît parfaitement galbée.
D’une grande qualité, le travail de la sculpture allie puissance des jeux de mouluration et des reliefs, et extrême finesse du répertoire sculpté. Chaque siège présente, au centre de la ceinture de l’assise et de la traverse supérieure du dossier, des grenades éclatées rehaussées par des feuilles d’acanthes. Les supports d’accotoir décrivent une courbe mouvementée « en coup de fouet » caractéristique des plus beaux modèles de sièges de la première partie du règne de Louis XV.
De nombreux détails confirment le raffinement de l’exécution, notamment l’importante chute en forme de cartouche d’acanthes couronnant les pieds antérieurs, et les motifs d’agrafes sommés d’une volute d’acanthes ornant les épaules du dossier de chaque fauteuil. Des feuillages d’acanthes sculptés dans le prolongement des montants du dossier soulignent les « dès » de raccordement, reliant ce dernier à l’assise.

Estampillés par Jean Avisse (1723 - après 1796, maître en 1745), nos deux fauteuils sont construits avec un dossier et une assise cannés d’origine. Présentés aujourd’hui en hêtre naturel, ces sièges présentent sous la structure des traces très nettes de la laque blanche d’origine. Leur répertoire ornemental est en tout point similaire à une partie de la production de Jean-Baptiste Gourdin (1723-1781, maître en 1748) qui réalisa des modèles exceptionnels de sièges de style Louis XV cannés finement sculptés, ce qui n’a rien d’étonnant au regard de la grande proximité entre Jean Avisse et sa famille. Certaines suites de sièges furent même réalisées en collaboration entre les deux ateliers. Tel est le cas par exemple dans la catégorie des sièges luxueux d’une suite de quatre fauteuils d’époque Louis XV « à coiffer » cannés vendus au théâtre des Champs-Élysées le 22 novembre 1987, dont deux d’entre eux portaient l’estampille de Jean Avisse, et un troisième celle d’un des membres de la famille Gourdin. Nous pouvons par conséquent aisément mettre en avant l’idée que la réalisation de nos fauteuils résulta du fruit de la collaboration de ces deux très grandes familles de menuisiers. Ce répertoire sculpté précédemment décrit - grenades, agrafes, acanthes - nous rappelle également en tout point le travail en siège d’excellente qualité sortant des ateliers de la célèbre dynastie de menuisiers : les Cresson, et en particulier celui de Jean-Baptise Cresson (1720-1781, maître en 1741), travail présentant de nombreuses analogies avec les autres membres de sa famille.

JEAN AVISSE
Né en 1723, Jean fut le grand nom de la dynastie Avisse par la qualité de sa production. Il prit pour épouse Marie-Anne Gourdin de la famille des célèbres menuisiers et s’établit deux ans après avoir reçu sa maîtrise, le 10 novembre 1745, rue de Cléry comme ses parents et nombre de ses confrères. Il acquit rapidement, grâce à la qualité de son travail, une grande notoriété et fournit l’aristocratie grâce à l’intermédiaire de nombreux tapissiers et marchands-merciers. Il réalisa notamment des commandes notamment pour la marquise de Chabannes, la comtesse de Fontenay et le chevalier de Lamotte, lieutenant de louveterie au département d’Auvergne qui lui fit des achats considérables. La partie la plus remarquable de son œuvre s’inscrit dans le style Louis XV dont les plus beaux modèles furent de beaux fauteuils « à la reine » remarquables par la noblesse de leur dessin et leur sobre élégance. En effet, ces sièges furent ornés de motifs peu abondants mais sculptés avec vigueur et raffinement.

BIBLIOGRAPHIE : Pierre Kjellberg, Le Mobilier Français du XVIIIe Siècle, Paris, Les Éditions de l’Amateur, 2008 ; Sylvie Legrand-Rossi, Le Mobilier du musée Nissim de Camondo, Dijon, Éditions Faton, 2012.

Bon état général, restaurations d’usage et d’entretien.