Par Stéphane Renard Fine Art
Nous remercions Madame Ursula Verena Fischer Pace de nous avoir suggéré l’attribution à Donato Arsenio Mascagni.
Nous avons été tout de suite séduits par les riches tonalités de cette allégorie exécutée au lavis d’encre brune. Le rapprochement avec un dessin du Louvre également anciennement attribué à Mola suggère une attribution à Donato Mascagni, un artiste florentin du début du XVIIème siècle à la carrière internationale.
La composition de la scène nous amène à faire une proposition iconographique en proposant d’y voir une célébration du Traité d’Angoulême, qui scella le 30 avril 1619 la réconciliation entre le jeune roi Louis XIII et sa tumultueuse mère, la reine Marie de Médicis, représentée ici rendant hommage à Minerve, sous l’égide (au propre comme au figuré) d’un cardinal.
1. Proposition d’attribution
Notre dessin, réalisé à la plume et au lavis d’encre sur traits de sanguine, présente un tracé très nerveux ...
... assez caractéristique, qui exploite les espaces laissés en réserve et les variations chromatiques du lavis pour ciseler les différents personnages. Son style nous semble être parfaitement cohérent avec une attribution à l’école florentine ou siennoise du tout début du XVIIème siècle.
Cette facture si particulière peut être mise en rapport avec un dessin du musée du Louvre, anciennement également attribué à Mola, qui a récemment été réattribué à Mascagni et qui représente un saint moine guérissant un enfant (5ème photo de la galerie).
2. Donato Mascagni, un peintre voyageur de la Florence des Médicis
Né à Florence en 1579, Donato Mascagni entre dans l'atelier du grand peintre de la Contre-Réforme Jacopo Ligozzi (1547-1627). Celui-ci avait été nommé capomaestro de l'atelier artistique grand-ducal florentin, surintendant de la galerie des Médicis et premier peintre de la cour en 1574 à la mort de Vasari. Le talent de Mascagni est rapidement reconnu et, en 1593, le jeune artiste est admis à la prestigieuse Accademia del Disegno, après quoi il commençe à travailler de manière plus indépendante.
Au cours des années suivantes, Mascagni réalise plusieurs projets importants pour les moines de l'ordre des Camaldules, dont une prestigieuse commande pour les lunettes du cloître de Santa Maria dei Angeli à Florence (1598). En 1605, Mascagni prononce ses vœux dans l'ordre des Servites, prenant le nom de « Fra Arsenio » ; il vit ensuite dans le monastère de Monte Senario, à une vingtaine de kilomètres au nord de Florence, jusqu'en 1609, date à laquelle il obtient une dispense papale pour s'installer à la Santissima Annunziata, dans le centre de la ville.
La carrière artistique de Mascagni continue de prospérer en Toscane, et il finit par obtenir des commandes à l'étranger, qui le conduisent jusqu'en Espagne (Valladolid en 1615) et en Autriche (Insbruck en 1612, Salzbourg de 1616 à 1619 et en 1624). Il se rend peut-être également à Rome, où certains suggèrent qu'il travailla avec Guido Reni. En 1632, Mascagni se réinstalle à Florence, à la Santissima Annunziata, où il demeure jusqu'à sa mort en 1637.
3. Proposition iconographique
La scène représentée dans notre dessin est à la fois riche et complexe : une souveraine, caractérisée par sa couronne et son manteau d’hermine, rend hommage à Minerve, la déesse de la Raison et de la Guerre, qui tient dans ses mains son bouclier sur lequel est peint le portrait d’un cardinal. Un jeune homme à la large moustache assiste à la scène et se tient en arrière de la souveraine.
En replaçant cette scène dans un contexte florentin de glorification des membres de la famille Médicis, une hypothèse nous semble intéressante : reconnaître dans la souveraine la reine de France Marie de Médicis et dans le jeune homme son fils le jeune roi Louis XIII, et rattacher cette allégorie à la signature du Traité d’Angoulême, qui scella la réconciliation entre Marie de Médicis (1575 – 1642) et son fils le 30 avril 1619.
Cet épisode a été représenté par Rubens (6ème photo de la galerie) dans un des tableaux de la galerie commandée par la reine et exécuté vers 1622-1625. En mars 1619, celle-ci s’était échappée du château de Blois, où le roi son fils l’avait exilée après avoir commandité l’assassinat de Concino Concini, et s’était réfugiée à Angoulême. Louis XIII préféra la négociation à l’affrontement et fit appel à Richelieu, protégé de la reine mère, pour négocier une réconciliation. Celle-ci fut rendue officielle par la signature le 30 avril 1619 du Traité d’Angoulême par lequel le roi cédait à sa mère les villes d'Angers, de Chinon et des Ponts-de-Cé, mais lui interdisait de revenir au Conseil.
Dans le tableau de Rubens, la reine est assise sur un trône orné de la statue de Minerve, avec la Vigilance à ses côtés. Elle accueille Mercure qui, descendu de l’Olympe, lui tend en signe de paix un rameau d’olivier. Deux cardinaux la conseillent : à droite près de Mercure, le cardinal François de La Rochefoucauld, dans une attitude positive ; à gauche, le cardinal Louis de Nogaret de La Valette ou le cardinal de Guise (mais non Richelieu, qui ne deviendra cardinal qu’en 1622 et qui n’assista pas à la signature du Traité), à l’attitude plutôt réservée et attentiste.
Notre scène, vraisemblablement exécutée plusieurs années après l’évènement, rassemble un certain nombre d’éléments qui la rapprochent de l’allégorie de Rubens : la reine est représentée à genoux devant la statue de Minerve (qui ornait le côté droit du trône du tableau de Rubens) et le bouclier tenu à la main par Minerve (l’égide) s’orne du portrait d’un cardinal. Il pourrait s’agir soit du cardinal de La Rochefoucauld, soit de Richelieu (devenu entre-temps cardinal). Deux autres bustes de cardinaux figurent sur un piédestal placé sur la gauche de notre dessin et pourraient représenter le cardinal de la Valette et le cardinal de Guise.
Le groupe de cinq personnages sur la droite est également très intéressant. Le personnage principal aux longues moustaches pourrait représenter le jeune Louis XIII si l’on accepte que cette longue moustache serait plus inspirée par un portrait ultérieur du roi que par ceux contemporains du Traité (dernière photo de la galerie : son portrait par Philippe de Champaigne en 1635 - Musée du Prado).
La femme au centre du groupe féminin sur la gauche pourrait être la reine Anne d’Autriche, qui avait épousé Louis XIII en 1615. Il est intéressant de noter que les portraits des courtisans qui entourent les deux souverains sont exécutés avec beaucoup de vivacité, en particulier celui de l’homme âgé barbu derrière le souverain (peut-être Charles d’Albert (1578-1621), nommé duc de Luynes en 1619, qui lui avait conseillé de faire appel à Richelieu).
4. Encadrement
Nous avons choisi pour encadrer ce dessin un cadre d’époque Louis XIII à motifs floraux dont la délicatesse de la sculpture s’harmonise à la richesse décorative de cette allégorie.
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