Par Stéphane Renard Fine Art
Nous remercions Carolina Trupiano Kowalczyk de nous avoir proposé l’attribution de ce dessin à Karel du Jardin après examen de l’œuvre. Son étude de l’œuvre (en italien), à partir de laquelle a été rédigée cette présentation, est disponible sur demande.
Cette étude de chasseurs intrigue par son thème (un jeune homme apporte le pied d’un animal en trophée à un chasseur occupé à recharger son fusil) mais également par sa technique : une sanguine à peine esquissée, vraisemblablement préparatoire à un travail au lavis d’encre, projet non réalisé dont seul témoigne le rehaut de gris sur le chapeau du chasseur.
La comparaison avec plusieurs œuvres de Karel du Jardin, dont en particulier une étude d’homme à la sanguine conservée au Fogg Art Museum, nous amène à proposer une attribution à cet artiste (dont les dessins sont assez rares sur le marché et dans les collections publiques) et une datation autour de 1657-1658, période pendant ...
... laquelle l’artiste résidait à La Haye.
1. Karel du Jardin un artiste des Pays-Bas sous l’influence des Bamboccianti
Né à Amsterdam dans une famille modeste, Karel du Jardin a commencé sa formation dans son pays natal, comme l'écrit Arnold Houbraken . Il était l'élève le plus doué de Nicolaes Berchem (Haarlem 1620 - Amsterdam 1683). Du Jardin suivit la tradition établie par Berchem, utilisant la sanguine pour la plupart de ses études de figures et d'animaux, mais en adoucissant le trait tout en gardant son caractère incisif et rapide. Dans ses scènes de genre, Du Jardin conjugue l'enseignement flamand avec l’influence des « Bamboccianti », ces peintres nordiques actifs dans la Rome du XVIIe siècle, dont le précurseur est Pieter Bodding van Laer (Haarlem, vers 1599 - 1641 env.), dit Il Bamboccio.
Installé à Rome depuis 1625, celui-ci devint une figure centrale parmi les peintres hollandais et flamands de la Bentvueghels . Sa peinture se caractérise par la représentation réaliste et parfois caricaturale de la vie quotidienne romaine, avec des scènes de brigands, de voyageurs, de marchés et de chasseurs, souvent en petit format, à l'intérieur des murs de la ville ou à la campagne.
Le succès de l'œuvre de Du Jardin tient précisément au choix de représenter des paysages italianisants, en les combinant avec des personnages pittoresques, voyageurs, bergers, souvent représentés de façon grotesque, à la manière de Van Laer.
On dispose de très peu d'informations sur Du Jardin avant 1649, date à laquelle celui-ci part pour Lyon et épouse en décembre de la même année à Paris Suzanne van Royen, sa logeuse, peut-être pour effacer ses dettes. À cette époque, il vit entre Amsterdam et Paris, où il a l'occasion de se confronter à l'œuvre de Français tels que Sébastien Bourdon, Simon Vouet, Laurent de La Hyre et Eustache Le Sueur. En octobre 1656, Du Jardin est actif à La Haye, où il est l'un des membres fondateurs de la confrérie artistique Pictura. En 1659, l'artiste retourne à Amsterdam où commence pour lui une période de succès et de renommée. Il est sollicité pour réaliser des portraits de l'élite aristocratique et marchande hollandaise ainsi que des scènes historiques spectaculaires, devenant l'un des artistes les plus appréciés et les mieux payés de son époque .
On ne connaît pas les raisons de son départ pour l'Italie en 1675, peut-être à la suite de son ami Johann Reynst, ou par désir de trouver une nouvelle clientèle, plus intéressée par les sujets historiques. À Rome, il fréquente le groupe des Bentvueghels, où il se voit attribuer le surnom de Barba di Becco ou « Bokkebaart ». Cette période eut une influence durable sur son œuvre, qui inclue désormais la représentation de paysages idéalisés de la campagne romaine, avec leurs vastes horizons et leurs figures construites avec la lumière, résultat d'une minutieuse recherche du clair-obscur, comme on le voit dans son premier tableau romain, daté « fecit Roma 1675» : Voyageurs dans un paysage italien, (Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten/ 6ème photo de la galerie) et dans les scènes de genre animées qui décrivent la vie quotidienne de la ville.
Après une escale à Tanger, en Afrique du Nord, il arrive à Venise en 1678. Il y tombe gravement malade et est enterré le 9 octobre de la même année.
2. Description du dessin et œuvres en rapport
Le dessin représente un chasseur à genoux occupé à charger son fusil, tandis qu’un jeune garçon s'approche de lui et lui tend timidement le trophée de la chasse : un pied de l'animal abattu. La scène, déployée sur une feuille de petite taille, pourrait être l'étude préliminaire d'un tableau ou d’une estampe représentant une scène de chasse plus vaste et plus complexe, exécutée dans la tradition figurative hollandaise du milieu du XVIIe siècle.
Deux personnages dans une pose proche apparaissent dans l’estampe Paysage avec ruine, deux hommes et un chien réalisée par Du Jardin en 1658, estampe dans laquelle ils sont représentés de loin et privés de leurs attributs de chasseurs, dans un paysage idyllique parsemé de ruines (7ème photo de la galerie).
Notre chasseur présente également de fortes similitudes dans sa position avec l'Homme assis en train d'enlever ses bottes du Fogg Art Museum (vers 1657 - 8ème photo de la galerie). Cet homme assis et notre chasseur, tous deux décrits avec soin, ont la même expressivité : ils sont représentés de profil, avec un large chapeau qui fait de l'ombre sur leur visage, inclinés vers le sol, l'épaule gauche en avant, dans le dessin Fogg pour retirer sa botte, dans notre dessin pour tenir son fusil.
Dans le dessin du Fogg Museum, la sanguine est densément estompée de manière à créer des ombres profondes et des jeux de lumière. Dans notre dessin, elle ne définit que les contours des personnages qui sont croqués de manière très expressive, mais sans aucun élément de contexte (rocher, ombre portée…). Tout cela nous amène à penser que nous avons ici une esquisse à la sanguine . La présence d'une touche de lavis gris, posée sur le couvre-chef du chasseur, nous donne un indice supplémentaire : cette esquisse était vraisemblablement destinée à être complétée au lavis d’encre gris. La feuille du Metropolitan Museum (9ème photo de la galerie), Paysanne et âne traversant un ruisseau, nous donne une bonne illustration de l’emploi de cette technique par Karel du Jardin : le gris est habilement nuancé et sublimé par des contours à l'encre brune sur une esquisse préparatoire réalisée à la sanguine.
Alors que l’œuvre peinte et gravée de Du Jardin est importante, les études et les croquis sur papier qu’il a réalisés pour ses compositions nous sont parvenus en petit nombre. La plupart sont des études d’animaux, et les études de personnage sont vraiment rares dans le corpus de l’artiste conservé ou connu à ce jour.
3. Encadrement
Notre dessin est proposé dans un cadre d’époque Louis XIII en bois sculpté et doré à décor de rinceaux et de feuillage qui a en grande partie conservé sa dorure d’origine.
Conditions générales de livraison :
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