Par Galerie Lamy Chabolle
Mobilier et objet d'art des XVIIIe, XIXe et XXe siècle
Bronze patiné.
France.
Avant 1797 ou 1800-1810.
56 x 15,5 cm.
« Cette statue est l’une des plus belles que nous ayons de cette divinité », écrit Clarac à propos d’une sculpture en marbre de Bacchus, qu’il décrit ainsi : « Le fils de Sémélé, debout et absolument nu, s’appuie du bras gauche sur un tronc d’orme auquel se marie un cep de vigne. Sa tête, parfaitement conservée, est couronnée de feuilles de lierre, et ceinte du bandeau bachique ou crédemnon ; ses cheveux descendent en longs anneaux sur sa poitrine ; la douceur de son regard, la grâce de ses traits, ses formes délicates et arrondies, tout, dans cette figure, concourt à exprimer cette langueur voluptueuse dont les anciens avaient fait le caractère distinctif de Bacchus. »
Comme le Mercure Richelieu, le Bacchus, un marbre antique d’époque antonine dérivée d’un modèle praxitéléen, avait probablement été envoyé de Rome en 1633 pour décorer le château du cardinal de Richelieu ...
... en Poitou. En 1748, Louis-Armand de Vignerot du Plessis, maréchal de Richelieu, fait déplacer un groupe d’une douzaine de sculptures à Paris, parmi lesquelles figurent le célèbre Mercure et les encore plus célèbres Esclaves de Michel-Ange. En 1792, le Bacchus est « déterré pour ainsi dire de chez l’héritière de Richelieu, rue de l’Union, Faubourg du Roule » par Alexandre Lenoir, qui note : « [le Bacchus] était en morceaux et sur le point d’être vendu à vil prix, ainsi que les deux Esclaves de Michel-Ange ». Le Bacchus Richelieu, alors connu sous le nom de Bacchus triomphant, est alors saisi et remis au Musée Central en mai 1797.
Le marbre avait déjà subi d’importantes restaurations : c’est lors de la première restauration, sans doute réalisée à Rome avant 1633, que la forme du Bacchus avait été restituée, pour ne pas dire inventée, à partir de dix fragments antiques. Alexandre Lenoir, ayant quant à lui noté que « cette figure, maintenant au Musée central des arts, a beaucoup souffert des restaurations anciennes et modernes », fait reprendre la restauration par Jean-Joseph Foucou avant que le marbre n’entre au Musée Central, c’est-à-dire avant 1797.
Foucou, lors de la restauration du marbre, ajoute une pomme de pin au faîte de ce qui devrait être un thyrse, compte tenu de la tradition des attributs dionysiaques. Cet ajout apparaît dans une illustration de la Description historique et chronologique des monumens de sculpture, réunis au Musée des monumens français d’Alexandre Lenoir en 1798, et permettrait de dater ce marbre — qui a d’ailleurs toute la sobriété d’un bronze d’époque Directoire — avant 1797, si le sculpteur et « réparateur » italien Mariano Gosi n’avait pas à son tour retiré le faîtage du thyrse ajouté par Foucou lors d’une troisième restauration du marbre.
Il est donc difficile de statuer sur la période exacte de ce bronze : il a en partage, il est vrai, plus qu’un air de famille avec les quelques bronzes connus dont les modèles sont donnés par Foucou sous Louis XVI, notamment la superbe série de quatre candélabres de l’hôtel de Brunoy, dont les figures en bronze patiné sont attribuées à Foucou. Il est toutefois possible que le bronze ait été tiré après la réparation du marbre par Mariano Giosi en 1800 : les éloges, en effet, de Clarac et de Visconti, ainsi que les efforts déployés par Lenoir pour permettre son entrée au Musée Central, indiquent une volonté certaine de présenter le Bacchus Richelieu comme l’un des joyaux du Musée des monuments français, c’est-à-dire du Louvre, de telle sorte que ce musée n’ait pas à rougir face aux galeries des Offices ou du Vatican. La célébrité du Bacchus Richelieu est cependant de courte durée : soit qu’il ait été éclipsé par la saisie des plus beaux marbres antiques de Florence en 1802, soit que l’engouement qu’ont eu, pour ce marbre, les conservateurs de la génération de Lenoir et de Visconti, ne se soit pas transmis à la génération suivante. Il est donc également possible que ce bronze, possiblement inédit, et dont le modèle est si rare, soit plus tardif que les rares bronzes connus de Foucou, et qu’il résulte d’un tirage prestigieux, à peu d’exemplaires et de très haute qualité, décidé au tout début de la période impériale à des fins de promotions de ce qui était alors considéré comme l’un des plus beaux joyaux des antiques du Musée des monuments français.
Sources
Frédéric de Clarac, Description du musée royal des antiques du Louvre, Paris, 1830 ; Jean-Luc Martinez, Les antiques du Musée Napoléon. Edition illustrée et commentée des volumes V et VI de l'inventaire du Louvre en 1810, Paris, 2004 ; Dagman Grassinger, « Apollo und Bacchus, die ‘Bild-schönen’ Jünglinge », dans Römische Götterbilder der mittleren und späten Kaiserzeit, Paderborn, 2015 ; Geneviève Bresc-Bautier, Un musée révolutionnaire. Le musée des Monuments français d'Alexandre Lenoir, Paris, 2016.