Portrait de Louis XIV, atelier de H. Rigaud vers 1694

... premier portrait, représentant le roi à mi-corps et en armure, est sans doute réalisé en 1694. Pourtant absent des livres de comptes de l’artiste, qui sont une riche source d’information sur les réalisations de Rigaud, le tableau est surtout connu par les nombreuses copies réalisées dès 1694 par l’atelier de l’artiste. La copie la plus fidèle semble être celle conservée au Herzog Anton Ulrich-Museum à Brünswick (Inv. N° 523. Ancienne collection, Cat. 1737). Des nombreux collaborateurs ayant travaillé à la copie, nous pouvons citer des grands noms de la peinture française du XVIIIe siècle tels que Nattier qui est payé 21 livres pour une copie complète, Parrocel qui reçut 70 livres pour un fond « pour le Roy et un autre pour Me De La brosse » ou encore Jean Ranc qui est payé 100 livres pour une copie en pied, 36 livres pour deux copies en buste, 30 livres pour une copie du roi armé, et 40 livres pour deux autres copies. Pouvant atteindre jusqu’à 600 livres, ces copies d’atelier présentent une certaine liberté de reproduction par rapport à l’original de Rigaud. C’est notamment le cas pour le vêtement du roi : portant une armure complète sur l’original, de nombreuses copies font figurer le souverain avec seulement sa cuirasse qui rend plus visible son pourpoint. C’est le cas pour notre portrait, ainsi que celui conservé au château de Chambord (Inv. CNMHS. Inv. NE 259), celui du Kunsthistoriches museum à Copenhague (Inv. KMSsp706) ou encore celui à la Dulwich Picture Gallery (Inv. DPG 85.)
Dans ce premier portrait du roi par Rigaud, et surtout dans ses nombreuses versions qui vont largement diffuser le modèle, nous pouvons entrevoir le schéma que le maître réutilisera en 1701 dans le second portrait de Louis XIV en costume de sacre : un souverain absolu pouvant se passer de ses atouts militaires. C’est d’ailleurs pour remplacer ce portrait du roi en costume de sacre, qui devait être envoyé au roi d’Espagne, que Rigaud réalisa son troisième portrait du roi soleil : un portrait en pied, où le souverain pose en armure complète devant le siège de Namur de 1692. Ce portrait, aujourd’hui au Prado à Madrid, reprend la composition du premier portrait de 1694 pour présenter au nouveau roi d’Espagne la vision d’un souverain guerrier guidant lui-même ses armées à la victoire. Ce portrait de son arrière-grand-père plut énormément à Philippe V, ainsi qu’à la cour d’Espagne qui préféra cette vision du roi soleil à la grandiloquence quasi spirituelle du portrait en costume de sacre.