Par Galerie Sismann
Vêtues de tuniques fluides à l’antique retenues sur l’épaule par un nœud, nos deux figures androgynes sont représentées debout avançant l’une avec la jambe gauche et l’autre avec la jambe droite. Se répondant par leur pose et par leur attitude générale, les Anges portent chacun un instrument de la Passion : la colonne faisant référence à la Flagellation du Christ et la bourse contenant les trente pièces d’argent symbolisant La Trahison de Judas. Il est permis d’imaginer ces statuettes insérées dans un décor liturgique, décorant peut-être une balustrade ou clôture autel, voir même un maître autel. Cependant, les figures allégoriques et personnifications constituaient également des objets de collection emblématique très en vogue dans la Venise des XVIe et XVIIe siècles, souvent choisies pour enrichir les collections privées et cabinets de curiosités. En effet, cette typologie d’œuvres, cultivées et familières, pourrait s’inscrire dans la ...
... lignée de la petite statuaire de plaisir pour le cabinet d’amateur, développée en Italie et qui se diffuse largement au départ de Florence grâce à l’atelier de Jean Bologne (1529-1608). Ces personnifications religieuses ou profanes faisaient partie du répertoire traditionnel des sculp-teurs vénitiens du Cinquecento, comme l’on peut voir dans les productions des célèbres bronziers Jacopo Sansovino (1486-1570), Tiziano Aspetti (1556/1557-1606) et Girolamo Campagna (1549-1625). Le rapprochement du style de nos bronzes à celui de Campagna et de son atelier est possible au regard des correspondances formelles et stylistiques avec l’ensemble de son œuvre. Artiste vénitien de renom, formé dans l’atelier de Danese Cattaneo (1512-1572), Campagna développe une sculpture puissante et lumineuse, servie par une technique particulièrement expressive. Héritant de son maître le goût du détail décoratif, il sut conjuguer, dans un style purement vénitien, les influences antiques et celles d’Italie du nord, annonçant déjà, à sa manière, les prémices de l’art baroque. En ces personnages cohabitent la force, la liberté, la puissance et la grâce comme en témoigne nos deux Anges tenant les Instruments de la Passion. L’aspect globale de ces deux œuvres, marquées par un léger hanché, un canon longiligne aux cuisses et bassins larges, est comparable à bon nombre de figures de Campagna. Nos anges partagent également des nombreux points de comparaisons avec les physionomies du maître; on retrouve effectivement sur les visages des similitudes dans la rondeur des traits, le nez droit et court, la forme du cou. Les paupières nettement dessinées et lourdes ainsi que les lèvres charnues, sont elles aussi typiques du travail du Maître. Ces Anges aux draperies souples illustrent l’élégance, la virtuosité technique ainsi que le goût pour les formes charnelles et coiffures sophistiquées propres à Campagna comme on peut le voir dans son Apollon à la lyre conservé au Bode Museum de Berlin (Inv. N°2800). Sur le plan iconographique, ainsi que stylistique, un parallèle s’impose avec une Paire d'Anges portant les instruments de la Passion de Girolamo Campagna qui ornaient autrefois le maître autel de St. Lorenzo, datés des années 1615-1618, aujourd'hui conservés au Musée Correr à Venise. D’après nos recherches, notre paire de bronzes constitueraient l’unique version de ce modèle répertoriée à ce jour faisant de ces Anges portant les Instruments de la Passion des bronzes inédits d’une rareté certaine. La découverte de ces bronzes apporte un témoignage supplémentaire de l’art de Girolamo Campagna, l’un des plus importants sculpteurs de Venise, dont le style incarne l’apogée du maniérisme vénitien.
Retrouver le mobilier ou les objets d''art similaires à « Paire d'anges portant les instruments de la Passion, Venise fin du XVIe siècle » présenté par Galerie Sismann, antiquaire à Paris dans la catégorie Sculpture en Bronze Renaissance, Sculpture.
