Marquise de Montespan par François de Troy (1640 – 1730), vers 1675

... l’insolence si caractéristique de ses effigies.
Elle regarde le spectateur de ses larges yeux bleus azur aux paupières légèrement baissées, qui lui donne un air languissant, accentué par une bouche sensuelle. Ses carnations d'une blancheur nacrée sont exécutées avec les touches transcludes, la transparence ainsi obtenue est une marque distinctive de François de Troy conjuguée à sa technique d'employer les ombres subtiles dans le traitement des chairs afin d'obtenir un rendu velouté et soyeux.
Sa masse de cheveux blonds bouclés est attachée négligemment à l’arrière par un rang de perles, et laisse échapper une mèche bouclée qui retombe sur son épaule.
Elle est vêtue d’un chemisier blanc orné de dentelles révélant un décolleté plongeant et d’une magnifique étole de satin d’un bleu de lapis intense. Retenues par une agrafe de pierreries scintillantes les extrémités de l’écharpe tiennent à peine sur ses épaules. Ses étoffes amples, prêtes à glisser et révéler les charmes de la jeune femme, combinée à la spontanéité de la pose et la simplicité apparente, apporte une légèreté frivole à l’ensemble.
Loin du portrait d’apparat classique caractérisé par des habits de cours sophistiqués et l'abondance de bijoux, François de Troy nous livre ici une version intimiste et voluptueuse de la maîtresse du roi.

Malgré le fait que François de Troy ai commencé à travailler pour le roi et la marquise par l'entremise de Charles le Brun dès le début des années 1670, il ne subsiste aucun portrait de la Marquise de Montespan peint de sa main autant dans les collections publiques que privées. Cependant les comptes des bâtiments du roi pour l'année 1673 inscrivent le paiement à François de Troy pour un portrait de la marquise commandé pour son appartement au château de Saint Germain. Il existe une copie d'époque XVIIème siècle d'après notre tableau conservée au château de Versailles (inv. MV4265, peintre anonyme, h. 69 cm, l. 57 cm); de faible qualité d'exécution, il est peint avec des pigments bleus moins onéreux qui ont viré au gris en vieillissant.

François de Troy (Toulouse 1645 – Paris 1730)
François de Troy, issu d’une famille d’artistes toulousains, se fait très tôt remarquer avec la réalisation d’armoiries pour l’entrée solennelle du Prince de Conti à Toulouse en 1662. On le retrouve ensuite à Paris où il poursuit sa formation dans l’atelier de Nicolas Loir, puis de Jean I Cotelle, dont il épouse la fille en 1668. D’abord peintre d’Histoire il est agréé à l’Académie en 1671 puis reçu en 1674 avec « Mercure et Argus ». Par sa fréquentation de l’atelier de Claude Lefebvre, il s’oriente vers l’art du portrait dont il sera l’un des plus grands représentants de la fin du règne de Louis XIV et de la Régence. On pense que grâce à ses liens d’amitié avec Charles Le Brun, premier peintre du Roi, il fut mis en contact avec Madame de Montespan, qui en fera l’un de ses artistes attitrés. L’entregent de l’impétueuse favorite lui permettra d’entrer en contact avec la famille royale et de tout ce qui compte à la cour et à Paris. Il sera aussi le portraitiste de la famille royale d’Angleterre, exilée en France au château de Saint-Germain-en-Laye à partir de 1689. Fin courtisan, François de Troy s’attacha ensuite au duc du Maine, bâtard chéri de Louis XIV et à son influente épouse, fille du prince de Condé. Adjoint à professeur en 1692, il est nommé professeur à l’Académie l’année suivante. Il en sera directeur de 1708 à 1711. Il sera aussi plusieurs fois sollicité par les échevins parisiens pour des commandes religieuses. Son fils Jean-François (1679 – 1752) collabora avec lui à la fin de sa carrière avant de relever le flambeau et de perpétuer la gloire familiale.