Par Dei Bardi Art
San Bartolomeo
Entourage de Pierpaolo et Jacobello Dalle Masegne (Venise, fin du XIVe siècle)?Haut-relief « en applique » en marbre blanc
52 × 30 × 14 cm
Provenance :
- Collection privée, Sud de la France, depuis les années 1970
- Probablement issue de la collection Estense (ancienne collection Obizzi), XVIIIe siècle
Bibliographie :
?– Expertise et attribution par le Professeur Guido Tigler
Ce puissant haut-relief en marbre blanc représente Saint Barthélemy, figuré en homme robuste et barbu tenant un évangile richement relié dans la main gauche. Le geste de sa main droite – dont l’extrémité de l’index est manquante – suggère qu’il tenait un objet long et étroit, vraisemblablement un couteau, attribut traditionnel de son martyre par écorchement. L’orientation anatomique de la main exclut d’autres interprétations iconographiques, comme l’épée de Saint Paul ou la plume de Saint Jean.
Les caractéristiques stylistiques et ...
... iconographiques lient clairement cette œuvre au cercle de Pierpaolo et Jacobello Dalle Masegne, les plus grands sculpteurs vénitiens de la période gothique. La ressemblance est frappante avec le Saint Barthélemy figuré dans le polyptyque en marbre de l’église San Francesco à Bologne (1388–92), où le saint tient également un livre et un couteau dans une gestuelle similaire. Une autre comparaison significative peut être faite avec l’iconostase de la basilique San Marco à Venise (1394), où l’on retrouve un apôtre en pied muni des mêmes attributs.
Le format du relief — une figure aux trois quarts, tronquée juste au-dessus des genoux — est caractéristique de ces œuvres majeures. Rare dans la sculpture gothique, ce type fut popularisé en Toscane par Giovanni Pisano, Pietro Lorenzetti et Tino di Camaino, avant d’être adopté en Vénétie. Dans le corpus des Dalle Masegne, cette coupe se retrouve sur les tombes de Pileo da Prata (Padoue, 1399) et de Jacopo Cavalli (Venise, 1394), où saints et vertus apparaissent en buste dans des quadrilobes.
La sculpture était conçue comme un haut-relief « en applique », destiné à être fixé sur un fond — probablement une arche de sarcophage monumentale. Son revers lisse, la présence d’un crochet de fixation et des traces de chaux confirment cette fonction. Cette technique, courante dans l’orfèvrerie et la sculpture sur bois, était encore peu usitée en marbre et fut adoptée par les sculpteurs funéraires vénitiens de la fin du Trecento. Les œuvres les plus proches sont les apôtres de la collection Estense, aujourd’hui conservés au Kunsthistorisches Museum de Vienne. Deux d’entre eux — Saint Jean l’Évangéliste (50 cm) et Saint Marc (52 cm) — présentent un format, une échelle et un traitement tout à fait analogues à la présente sculpture, suggérant qu’ils faisaient partie d’un même ensemble. Le type facial, le traitement des drapés et la solennité frontale renforcent ce lien.
On peut également établir des parallèles avec des reliefs attribués aux frères Dalle Masegne représentant les saints Pierre et Paul, ainsi que d'autres apôtres et prophètes issus de l’ancienne église de Sant’Andrea della Certosa, aujourd’hui dispersée. Ces œuvres, comme celle-ci, combinent une stylisation élégante à une austérité typiquement vénitienne. Un comparatif particulièrement pertinent est le sévère Saint Dominique figurant sur le portail de San Domenico à Pesaro (1395), également attribué à l’atelier des Dalle Masegne. Wolfgang Wolters a d’ailleurs rapproché cette figure du Saint Dominique du monument funéraire du Doge Antonio Venier (1403), probablement exécuté par Jacobello Dalle Masegne lui-même.
Si la frontalité rigide et le réalisme sévère évoquent une formation initiale auprès d’Andriolo de’ Santi, la finesse de l’exécution et la clarté typologique situent cette œuvre dans la tradition gothique vénitienne de la fin du XIVe siècle. L’atelier des Dalle Masegne, synthétisant élégance toscane et monumentalité vénitienne, apparaît comme son origine la plus probable.
Le démantèlement probable de son contexte d’origine lors des spoliations napoléoniennes de 1797, au moment de la chute de la République de Venise, s’aligne avec le sort de nombreux fragments similaires. Plusieurs de ces sculptures, arrachées à des monuments endommagés, furent sauvegardées par des collectionneurs éclairés comme le marquis Tommaso Obizzi, dont les acquisitions forment aujourd’hui les collections Estense à Vienne. La parenté physique et stylistique entre cette œuvre et celles de cette collection appuie fortement l’hypothèse selon laquelle elle provient elle aussi d’un monument vénitien disparu de grande envergure – probablement un sarcophage de prestige et de dimensions importantes.
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