Par Barozzi Art
Sculpteur de la « Scuola di Piacenza » (atelier de l’Émilie occidentale actif dans la seconde moitié du XII? siècle), vers les années soixante-dix du XII? siècle, paire de lions stylophores de porche, marbre de Vérone (considéré par un expert comme provenant des carrières de San Giorgio di Valpollicella), pupilles remplies de plomb.
Dimensions : 64 cm (hauteur) × 116 cm (longueur de la base) chacun.
État de conservation : bon, mais avec de nombreuses traces d’exposition prolongée en plein air.
Nombreux trous pour des goujons métalliques, aujourd’hui vides, et la trace d’un crampon reliant deux trous témoignent d’une ou de plusieurs anciennes interventions de consolidation, jugées nécessaires pour renforcer les sculptures soumises au poids du porche supérieur.
Provenance : Agriturismo Podere San Giorgio (Santa Giuletta, PV), anciennement propriété des marquis Sauli de Gênes et, à partir de 1978, des Perdomini de Milan ; en 2012, Casa d’Aste ...
... Pandolfini, Florence (à l’occasion de la vente aux enchères, l’auteur de la présente notice fut chargé de rédiger une fiche pour l’Office des Exportations de la Surintendance de Florence, sous la responsabilité du Dr Angelo Tartuferi).
Le propriétaire actuel rapporte avoir parlé personnellement avec le propriétaire du Podere San Giorgio qui, à la question précise de savoir si les lions avaient été achetés ailleurs puis apportés sur le domaine, répondit qu’au moment où il acheta le podere, en 1978, directement aux Sauli, les deux lions étaient déjà présents depuis longtemps.
Le podere correspond à l’ancien château de San Giorgio, qui conserve entre autres une tour crénelée du XVe siècle et devait posséder une église, aujourd’hui détruite, dédiée au saint. Même si, en théorie, une origine des lions dans cette église — probablement de petites dimensions — n’est pas à exclure, je penche pour une provenance d’une église plus grande, voire d’une cathédrale, où l’on trouve généralement des porches monumentaux.
En l’absence de documentation, une recherche sur les possessions des Sauli, une famille divisée en plusieurs branches avec d’anciennes implantations réparties entre Gênes et Bergame, pourrait apporter quelque lumière, mais il me semble peu fructueux de multiplier les conjectures, puisque, de toute façon, les Sauli auraient pu acquérir les lions en puisant dans du matériel provenant d’églises supprimées ou modifiées par des restaurations.
À ce propos, il est peut-être intéressant de rappeler que, lors des remaniements et restaurations du Duomo de Plaisance, les lions stylophores du portail central de la façade comme ceux du portail du transept nord furent remplacés, même si aucune des deux paires déposées ne peut être identifiée avec celle-ci. Les dynamiques de ces substitutions peuvent toutefois nous permettre de reconstituer, par analogie, ce qui a pu se passer dans notre cas.
Le porche central de la façade, qui, à en juger par les rares sculptures originales conservées, datait de 1122 ou peu après, au début de la construction de l’actuelle cathédrale de Plaisance, fut réparé en 1553, entre autres avec le remplacement des lions stylophores de l’étage inférieur, et restauré à la fin du XIX? siècle.
Le porche du transept nord, dont la partie inférieure fut murée en 1720, était soutenu tant à l’étage inférieur qu’à l’étage supérieur par des paires de lions stylophores, comme les nôtres de la Scuola di Piacenza, datables peu après le milieu du XII? siècle (fig. 12-13). La paire inférieure passa alors dans la Villa Belvedere à Torrano, près de Ponte dell’Olio, et se trouve aujourd’hui au Palazzo Borromeo à Plaisance. Lors de la restauration du porche effectuée en 1902, la paire de deux lions de l’étage inférieur fut remplacée par une autre paire de lions stylophores, également datables de la seconde moitié du XII? siècle (fig. 20-21), achetés chez l’antiquaire Rambaldi à Bologne, identifiés ensuite comme ceux qui soutenaient les appuis inférieurs de l’édicule détruit de la croix de Porta Ravegnana à Bologne (dont les appuis supérieurs étaient au contraire soutenus par une paire de griffons stylophores, aujourd’hui au Cleveland Museum of Art, Ohio).
Puisque la Scuola di Piacenza, à laquelle on peut attribuer les deux lions étudiés ici, a œuvré non seulement pour cette ville mais aussi pour une vaste zone environnante — incluant Crémone, Lodi, Fidenza… — une provenance d’une église de l’actuel Oltrepò Pavese, où se situe Santa Giuletta, est tout à fait plausible, tout comme celle d’une localité proche vers Plaisance ou vers Tortone (Alexandrie), ou même au-delà du Pô. Il peut être intéressant de rappeler que Santa Giuletta, fief de l’abbaye de San Pietro in Ciel d’Oro à Pavie, fut détachée du territoire de Plaisance et attribuée à celui de Pavie par décision de Frédéric Barberousse en 1164.
Attribution : Comme me le signale M. Prasedi, les lions (fig. 1-9) ressemblent beaucoup, bien que n’étant pas tout à fait identiques, à un plus petit lion stylophore connu uniquement par le moulage conservé à la Gipsoteca Mondazzi de Turin (fig. 10), tiré d’un original en marbre en collection privée. Tant dans le moulage turinois que dans les deux lions en marbre étudiés ici, on remarque la stylisation monstrueuse de la tête, rappelant les lions des anciennes civilisations orientales, auxquels on conférait des caractères artificiels mais efficacement terrifiants.
Dans notre cas, où les détails apparaissent plus soignés et précis que dans le moulage turinois et dans tous les autres lions cités pour comparaison, le museau impressionne particulièrement : gueule grimaçante, mâchoires serrées, presque comme si le lion mordait rageusement sa lèvre inférieure. Les lèvres et le nez sont parcourus d’incisions parallèles et plissées. À la racine de la crinière, les poils sont peignés en torsades, comme une corde, avec des sillons parallèles obliques, tandis que le reste du pelage se divise en trois bandes de mèches verticales se terminant en boucles calligraphiques.
Tout aussi artificiels sont le pelage qui croît comme une plante sur les genoux et le toupet au bout de la queue.
Lions stylophores comparables :
– les deux à la base des colonnes de la fenêtre absidiale du Duomo de Plaisance (fig. 14-15) ;
– celui terrassant des dragons et un homme, conservé aux Musées civiques du Palazzo Farnese à Plaisance, provenant du porche de San Pietro à Cadeo, puis au Palazzo Alberoni à Plaisance, de 60 cm (hauteur) × 120 cm (longueur de la base), donc de dimensions très proches des nôtres (fig. 16) ;
– ceux terrassant des quadrupèdes du porche du Duomo de Lodi, reconstruit en 1284 (comme l’atteste une petite chronique de la fin du XVe siècle), mais manifestement avec réemploi d’une paire de lions du XII? siècle (fig. 17-18).
La critique a déjà reconnu l’affinité entre les lions de Cadeo et ceux de Lodi, ces derniers datables après 1158, lorsque les Milanais détruisirent Lodi Vecchio et sa cathédrale de San Bassiano, mais aussi après 1163, lorsque les reliques de Bassiano furent transférées en présence de Barberousse dans le nouveau Duomo de Lodi Nuovo, église encore inachevée en 1183. Les lions du porche de Lodi remontent probablement aux années 1170…
(suite…)
Étude du Prof. G. Tigler
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