Par Galerie Philippe Guegan
Console desserte dans le « Goût Grec »
Placage de satiné, amarante et buis. Bâti en sapin et en chêne. Dessus de marbre blanc veiné
Estampillé J.F.OEBEN en haut du montant droit
Jean François Oeben, ébéniste du roi, reçu maître en 1761
Paris, circa 1761–1768
Provenance :
Sotheby Parke Bernet & Co, Monaco, 12 février 1979, lot 276
Cette rare et élégante console d'époque néoclassique, réalisée vers 1760, illustre l’un des moments de transition stylistique les plus significatifs du XVIIIe siècle français. De forme architecturée, la façade de forme cintrée est rythmée par quatre pilastres en léger ressaut, ornés de cannelures simulées en marqueterie. Elle ouvre par un tiroir en ceinture, et deux tiroirs latéraux pivotants «à l’anglaise». Les trois tablettes d’entrejambes ainsi que le fond plein sont en placage de satiné dans des encadrements d’amarante. Une élégante garniture de bronzes dorés souligne cette composition.
Jean ...
... François Oeben semble avoir été le premier ébéniste parisien à réaliser ce type de tables en consoles, liées au développement des salles à manger, pièce nouvelle, dont l’usage se répand dans les années 1750.
Notre console constitue vraisemblablement le pendant d’un meuble identique provenant des collections du baron Mayer Amshel de Rothschild au château de Mentmore, aujourd’hui conservée à Dalmeny House (Écosse) chez les comtes de Rosebery. Elle appartient à un corpus restreint de consoles à étagères exécutées dans l’atelier d’Oeben dans les années 1760, dont les formes architecturées — soulignées par des pilastres — s’inscrivent pleinement dans les premiers développements du néoclassicisme parisien.
Plusieurs consoles analogues attestent de cette production : une version en acajou massif, identique par sa forme et estampillée J.F. Oeben, est reproduite dans Nicolay, L’art et la manière des maîtres ébénistes (p.346, fig. J). Les deux pilastres en façade sont rudentés de cannelures de cuivre ornées d’asperges en bronze doré. Une autre console, également estampillée, différant uniquement par un décor de marqueterie de frise de grecques sur les tiroirs, figurait dans l’ancienne collection de Mlle Rémy (exposée au Musée des Arts décoratifs en 1955, cat. n° 233). Enfin, une paire de consoles très proches de la nôtre, décorées d’entrelacs et de fleurons en bronze, figurait dans la collection de la galerie Michel Meyer (Sotheby’s Paris, 9 novembre 2010, lot 206).
L’estampille J.F. OEBEN nous permet de dater précisément cette console entre 1761, année de réception à la maîtrise de l’ébéniste, et 1768, date à laquelle Jean-Henri Riesener, son ancien collaborateur et successeur, reprend l’atelier et adopte sa propre estampille.
Jean-François Oeben, ébéniste du roi Louis XV, est l’un des plus créatifs et des plus éminents de sa génération. Véritable étoile filante foudroyée par la maladie, à l’âge de 41 ans, au sommet de sa gloire, il a été un des acteurs de la mutation du goût dans la deuxième partie du siècle des lumière. Originaire de Rhénanie, né à Heinsberg près d’Aix-la-Chapelle le 9 octobre 1721, non loin de la frontière hollandaise, il s’établit à Paris et par son mariage en 1749 avec Françoise-Marguerite Vandercruse, sœur de Roger Vandercruse Lacroix (R.V.L.C.) il est introduit dans le milieu des grands ébénistes parisiens. Il entre en 1751dans l’atelier de Charles Joseph Boulle installé aux galeries du Louvre, et prospère sous la protection de la marquise de Pompadour, à qui il fournit ses premiers travaux par l’intermédiaire du marchand mercier Lazare Duvaux. À la mort de Boulle en 1754, le marquis de Marigny, surintendant des bâtiments du roi et frère de Madame de Pompadour, lui propose la place d’ébéniste du roi, à la manufacture des Gobelins. Sa réputation va croissant, son atelier se spécialise dans les marqueteries florales de grandes qualité et les meubles à mécanisme, car Oeben est un brillant mécanicien. Il fait de nombreuses livraisons au Garde Meuble de la Couronne, obtient en 1759 un certificat de fournisseur des maisons royales. Oeben aura effectué la majeure partie de sa carrière en dehors des règles de la jurande des menuisiers ébénistes, installé dans des enclos privilégiés, aux Gobelin, puis à l’Arsenal, où il était dispensé de la formalité d’estampiller. Pourtant à la fin de sa vie, pour les besoins de son commerce il ressent le besoin d’intégrer cette corporation et il obtient sa maitrise en 1761, deux ans avant sa mort, alors qu’il a reçu la commande du bureau du roi (1760), qui vient couronner sa carrière.
Véritable vivier de talents l’atelier d’Oeben comptait parmi ses compagnons des personnalités de premier plan comme Jean François Leleu (1729-1807) et Jean Henri Riesener (1734-1806). Ce dernier, choisi par la veuve Oeben pour diriger l’atelier après 1763, perpétue l’influence stylistique de son maître. Il épouse sa veuve et rachète cet atelier en 1768 au moment de son accession à la maîtrise.
Cette console s’inscrit dans la production néoclassique issue de l’atelier de Jean-François Oeben, réalisée peu avant sa mort et poursuivie, dans les années suivantes, sous la direction de Riesener. Elle incarne parfaitement les débuts du néoclassicisme qui émergent à la fin du règne de Louis XV, dans les années 1760, à travers ce que l’on appelle le « Goût Grec ». Ce courant stylistique puise son inspiration dans les formes décoratives de l’Antiquité grecque et romaine. Le diplomate allemand Frédéric Melchior von Grimm rapporte d’ailleurs dans ses Correspondances littéraires (1763) : « Depuis quelques années on a recherché les ornements et les formes antiques […] tout est à Paris à la grecque ».
Ce style grec, en réaction contre l’exubérance du rocaille, se manifeste par des lignes droites et une esthétique architecturale classique, empruntant au répertoire décoratif gréco-romain. Initié au milieu des années 1750 par l’architecte Le Lorrain, ce renouveau séduisit rapidement une avant-garde de collectionneurs désireux de rompre avec le style rococo, à l’instar de Madame de Pompadour ou, de manière plus radicale Ange Lalive de Jully.
Jean-François Oeben s’imposa rapidement comme l’un des représentants majeurs de cette nouvelle tendance. Cette console reflète une période singulière de son atelier, marquée notamment par des commandes de meubles « à la grecque » pour le duc de Choiseul : commodes destinées au château de Chanteloup, secrétaire et serre-papiers pour son hôtel particulier parisien, etc. L’influence d’Oeben sur ses contemporains fut considérable, et sa contribution à l’émergence du style Louis XVI s’avère déterminante.
Bibliographie :
- Nicolay, Jean, L'Art et la manière des maîtres ébénistes français au XVIIIe siècle, Paris, 1956, p. 346, fig. J.
- Musée des Arts décoratifs, Grands ébénistes et menuisiers parisiens du XVIIIe siècle, Paris, 1955, cat. n° 233, pl. 25.
- Connaissance des Arts, n° 45, novembre 1955, p. 76.
- Catalogue de la galerie Michel Meyer, Paris, s.d., pp. 62–63.
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