Buste d'une déesse romaine

... n’est pas exceptionnel.

Les sculpteurs italiens à la Renaissance ont usé de ce procédé pour renforcer l’intensité du regard des portraits sculptés, notamment en marbre (p. e. Anonyme, Buste de Giovanni Angelo Frumenti, ca. 1620, Rome, basilique Santa Maria Maggiore ou encore Le Bernin dans sa seconde version du buste du cardinal Scipion Borghèse (1632, Rome, Galleria Borghese).

On pense que le présente buste date du dernier quart du 16e siècle. Il s’inscrit dans les recherches liées au commerce, à la restauration et à la falsification de statues antiques propres à l’Italie à cette époque, tentatives déjà expérimentées par Michel-Ange.

La tête dérive de prototypes antiques (fig. 4). On songe en particulier à la tête de la Vénus de Cnide de Praxitèle, connue par de multiples copies romaines (fig. 5). Par contre, l’accoutrement, l’épaulière, la ceinture, le diadème et les perles qui se glissent entre les mèches ondulées de la chevelure, appartiennent à la culture maniériste. L’épaulière pourrait suggérer qu’il s’agit d’une représentation de la déesse Minerve. Enfin, le fait que les épaules ne soient pas achevées à l’arrière, semble démontrer que le buste était destiné à figurer dans une niche ornant une galerie ou une salle d’apparat (fig.6).

Du point de vue du style, l’oeuvre évoque un large spectre de la statuaire maniériste italienne, la cour raffinée de la famille d’Este en Emilie-Romagne, autour d’un sculpteur tel que Prospero Sogari, dit Clemente (Reggio Emilia 1516-1584) (fig. 7), le milieu florentin, autour de Domenico Poggini (Florence 1520- Rome 1590), auteur de plusieurs bustes, dont celui de Virginia Pucci Ridolfi (fig. 8-9) et Ridolfo Sirigatti (Florence 1553- 1608), le maître de Pietro Bernini, auteur également de plusieurs bustes maniéristes, et enfin le milieu romain.

Le traitement des plis, à la fois rigides et stylisés, rappelle quelque peu l’art de Guglielmo Della Porta (Porlezza 1515- Rome 1577), et celle, plus générale de la dernière génération des sculpteurs maniéristes romains, autour, notamment de Nicolas Cordier (Lorraine 1567 – Rome 1612), avec sa manière reconnaissable de froisser les draperies, un peu emphatique et d’une rudesse quelque peu cassante, comme dans la statue en marbre polychrome du Moro, oeuvre antique qu’il a largement complété et dont le motif précieux de la ceinture rappelle, sur un mode mineur, celle du buste étudié (fig. 10). Parmi les comparaisons intéressantes, on peut aussi évoquer le visage de Lesa Deti Aldobrandini, statue réalisée par Cordier pour le monument funéraire de cette dernière dans la chapelle Aldobrandini à l’église Santa Maria sopra Minerva à Rome, à la fois pour les proportions du visage, la définition des cheveux, des paupières et des pupilles donnant un certaine fixité au regard (fig.13).

Un autre sculpteur aux caractéristiques propres mérite également un rapprochement: Cristoforo Stati dit il Braccianense (Bracciano 1556- Rome 1619) qui, en quelques sorte, est un trait d’union symptomatique entre le milieu florentin du tardo-maniériste et la Rome pré-baroque. Celui-ci, né près de Rome, s’établit autour de 1575 à Florence à la suite de Paolo Giordano I Orsini qui a épousé Isabelle, la fille de Cosme I de Médicis. Stati y connaît le succès avant de gagner Rome où sa présence est documentée à partir de 1607. Il travaille à la chapelle Barberini dans l’église Sant’Andrea della Valle (1613) et à la chapelle Pauline de la basilique Santa Maria Maggiore. Certes, on connaît de cet artiste essentiellement des statues de nus mythologiques ou allégoriques (Orphée, New York, Metropolitan Museum; Cléopâtre, Rome, Crediop; Allégorie de l’Amitié, Paris, Louvre), Vénus et Adonis (Bracciano, Palazzo Comunale), aux corps sinueux et au délicat traitement des anatomies. Pourtant, la comparaison avec ses oeuvres est intéressante dans les proportions des visages, les expressions pathétiques, le traitement des cheveux, le lobe des oreilles, la bouche pas complètement fermée, ensemble d’élements de style présentant des similitudes (fig. 15 et 16).

Si la suggestion de Cristoforo Stati comme auteur du buste ne doit pas être écartée à ce stade de l’étude, nous disposons de trop peu d’informations sur ce sculpteur, comme sur beaucoup d’autres de cette époque pour attribuer de manière définitive cette oeuvre à un artiste précis. Quoiqu’il en soit, cette sculpture ouvre des perspectives de recherches passionnantes et nouvelles.