Bas-relief représentant un apôtre – Italie XVe siècle

... oeuvres, le modelé puissant du visage, le traitement charnu des mains et la disposition du drapé traduisent la même main ou, du moins, la même conception plastique. Les plis du vêtement, larges et rythmés, s’enroulent en volumes souples autour du corps, créant une alternance de plans lumineux et d’ombres profondes qui animent la surface de la pierre.

L’architecture qui encadre le saint participe pleinement à la mise en scène : deux colonnes torsadées, à chapiteaux feuillagés, soutiennent un entablement orné de motifs géométriques. La frise continue entre les deux colonnes se prolonge également sur la tranche gauche, suggérant que le bloc était destiné à être inséré de face ou sur le côté du tombeau. À l’arrière et sur le côté droit, la présence d’encoches témoigne de son intégration dans un ensemble architectural plus vaste.

Ce dispositif architectural, courant dans la sculpture vénitienne du tournant du XVe siècle, donne à la figure une monumentalité sereine et la place dans un espace sacré symbolique, à mi-chemin entre la niche et le retable. On y retrouve l’héritage de l’atelier des Dalle Masegne, dont Gherardo di Mainardo semble avoir été proche, tant par la rigueur architectonique que par le souci d’ordonner les figures selon une logique de symétrie et de hiérarchie spirituelle.

Les monuments funéraires de la dogaresse Agnese da Mosto, de Petronilla de Tocco et d’Orsola Venier à Venise, auxquels Gherardo di Mainardo aurait contribué, témoignent de cette conception. Les saints, sculptés dans la pierre, y deviennent les protecteurs éternels des âmes nobles qu’ils entourent. La verticalité du saint de ce bas-relief, sa frontalité, et la force de son regard, semblent prolonger cette tradition : il se dresse comme un gardien de la vertu et de la mémoire.

Cette oeuvre témoigne également de la matérialité dévotionnelle propre à la sculpture médiévale tardive : la pierre, polie et légèrement patinée, confère à la figure une présence incarnée, presque tangible. Dans la tradition des reliefs vénitiens de la première Renaissance, le saint n’est pas seulement un motif iconographique, mais une personnification des vertus célestes, un modèle moral offert à la contemplation. Ce rôle moral et spirituel du relief trouve un écho dans les tombeaux monumentaux contemporains, où les saints et vertus, disposés dans des niches ou adossés à des colonnes, encadraient le sarcophage et célébraient symboliquement les mérites du défunt.

Par son équilibre entre solennité gothique et construction all’antica, cette oeuvre incarne parfaitement le moment de transition que traverse la sculpture vénitienne au début du XVe siècle. Le goût de la symétrie et de l’ordre architectural annonce la Renaissance, tandis que la spiritualité intense du visage et la douceur du modelé rappellent encore la ferveur gothique.