Par Galerie Sismann
Symbole du courage chrétien face au martyre, Saint Sébastien a inspiré les artistes depuis la Renaissance par le contraste qu’il offre entre la pureté spirituelle et la sensualité du corps nu. Sujet favori des sculpteurs baroques, il incarne une tension dramatique où l’érotisme n’est jamais absent : la beauté idéale de la jeunesse devient l’instrument de la grâce divine. Allongé contre un tronc auquel son bras est lié, le jeune homme se cambre ici dans un mouvement d’abandon à la fois douloureux et voluptueux. Le visage levé, les lèvres entrouvertes, il semble suspendu entre la souffrance et l’extase. Le corps, admirablement modelé, respire la vie : la tension des muscles, la douceur de la peau et la fluidité du geste traduisent une émotion charnelle d’une intensité rare. Cette sculpture, d’un naturalisme vibrant, capte le moment où le martyr devient figure d’une beauté transcendée, où la douleur se confond avec le désir, rappelant combien la ...
... sculpture italienne du XVIIIe siècle sut mêler sensualité et piété avec une subtilité propre à son époque.
Cette sculpture a récemment été attribuée par Davide Lipari à Andrea Ferreri. Originaire de Fano, formé dans le milieu bolonais et actif entre l’Émilie et la Romagne, Ferreri (1673-1744) fut l’un des sculpteurs les plus singuliers de la première moitié du XVIII? siècle. Son art, nourri des leçons de Mazza et profondément marqué par une veine expressive et spirituelle propre, se distingue par la finesse de son modelé et par une interprétation souvent personnelle du langage baroque tardif.
À propos de cette œuvre, Lipari écrit :
« La composition reprend fidèlement une célèbre gravure de Simone Cantarini de Pesaro (1612-1648), représentant Saint Sébastien agonisant, attaché aux pieds d’un arbre (fig. 17).
Sur le plan stylistique, on y observe la même fluidité et la même douceur du drapé que celles déjà relevées tant dans les œuvres en terre cuite de Ferreri que dans les statues en grès du palais Belloni (fig. 2, 11, 13).
Le visage, au regard stylisé et incliné vers le bas, ainsi qu’à la bouche aux lignes complexes, bien que dérivant du répertoire de Mazza, semble davantage correspondre à l’interprétation plus abstraite que Ferreri donna de ce langage. Les yeux, aux volumes nets, aux contours acérés et fortement elliptiques, rappellent étroitement ceux de la Vierge conservée au musée Davìa Bargellini.
Par son haut degré de finition, le modelé du visage de ce Saint Sébastien peut également être rapproché du regard ample de la Vigilanza en marbre, ainsi que des volumes encore très articulés de la Vierge de la place San Martino (fig. 19). On y retrouve notamment le nez droit et relevé, le menton saillant, les lèvres charnues et bicuspides – autant de traits qui, avant l’altération causée par les agents atmosphériques, devaient conférer à la Vierge une physionomie presque identique à celle du martyr en terre cuite.
Bien qu’il ne soit pas possible de dater avec certitude le Saint Sébastien, il semble raisonnable de situer sa création durant la période bolonaise, ou du moins avant les années vingt. Cette hypothèse repose, d’une part, sur la parenté évidente entre le visage du saint et celui de la Vierge de la place San Martino, et d’autre part, sur son inscription dans une pratique créative déjà expérimentée par Mazza et son cercle le plus proche.
La destination de l’œuvre de Ferreri demeurant inconnue – qu’il s’agisse de l’ornementation d’un étage noble, d’un autel privé ou public –, il est difficile de déterminer si la référence à l’invention de Cantarini fut voulue par le commanditaire ou par le sculpteur lui-même. Il demeure toutefois remarquable que Ferreri n’ait pas choisi de s’inspirer des interprétations du même sujet proposées par Mazza, préférant revenir à la contemplation de l’art des peintres.
La nouvelle terre cuite présentée ici illustre avec une clarté particulière combien Ferreri, ou peut-être son commanditaire, chercha dans la peinture le soutien nécessaire pour concevoir des solutions à la fois d’une grande efficacité plastique et d’une intense force dramatique. »
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