Par Galerie Lamy Chabolle
DEMANDE D'INFORMATIONS
Mobilier et objet d'art des XVIIIe, XIXe et XXe siècle
Argent, laiton, aventurine.
Venise.
Fin du XVIIe siècle.
h. 10 cm ; l. 9 cm.
Cette plaque en argent repoussé est une adaptation rare, et possiblement inédite, du célèbre motif des Trois Grâces devenu l’un des motifs les plus reconnaissables de l’art de la Renaissance depuis la découverte, à la fin du XVe siècle, d’un groupe en marbre d’époque impériale conservé à la libreria Piccolomini à Sienne, traduit en peinture par Raphaël et en gravure par Marcantonio Raimondi.
La première imitation des Trois Grâces Piccolomini est sans due à Niccolò Fiorentino, dont les médailles étaient frappées avant 1495. Une médaille plus tardive, commandée en 1549 par Charles Quint, en mémoire de sa défunte épouse Isabelle du Portugal, affecte clairement, quant à elle, l’influence des Trois Grâces de Raphaël, datées autour de 1503 et 1505, vraisemblablement par l’intermédiaire de leur diffusion par les gravures de Marcantonio Raimondi. La médaille de ...
... Charles Quint, frappée en or et en argent, avait été commissionnée à Leone Leoni, sculpteur et médailleur formé à Venise. Au revers de cette médaille, sur la face de laquelle figure un portrait d’Isabelle du Portugal, apparaissent Trois Grâces qui reprennent manifestement celles gravées par Raimondi. Leoni y ajoute toutefois deux putti jouant autour des Grâces et dont le sexe, mais non le derrière, est voilé par le mouvement d’un drapé.
Ce motif, similaire au présent relief en argent, rend ce dernier particulièrement incongru et rare : si des « repeints de pudeur » apparaissent en effet sous Paul IV, après que ce dernier a chargé Daniele da Volterra, au début des années 1560, de « reculotter » certaines figures peintes par Michel-Ange à la chapelle Sixtine ; et si l’on considère souvent l’année 1563 comme un point de bascule en la matière, quand, lors de la vingt-cinquième session du Concile de Trente, sont adoptées par décret certaines interdictions touchant à la représentation de la figure et des actions humaines dans la peinture et la sculpture, il est moins attendu d’observer cette pudeur appliquée à un sujet d’essence si érotique.
Le relief est monté sur un cadre en laiton et en aventurine — une pâte de verre mêlée de cristaux de cuivre dont la technique apparaît pour la première fois dans l’inventaire d’un joaillier muranais en 1626, puis en 1663 dans le carnet du verrier vénitien Giovanni Darduin. Cette technique, jamais divulguée par les artisans vénitiens avant la moitié du XIXe siècle, tombe partiellement dans l’oubli au cours du XVIIIe siècle avant d’être reprise et largement diffusée dans les années 1830 par les manufactures de Murano.
La double connexion de ce relief à Venise, par le précédent des médailles en argent de Leone Leoni, formé à Venise, et surtout par son cadre en aventurine, incite à attribuer ce relief à un atelier vénitien de la fin du XVIIe siècle, compte tenu de son iconographie.
Sources
Jean-Claude Boulogne, Histoire de la pudeur, Paris, 1986 ; Cristina Tonin, « Stefano Miotti and the Use of Aventurine from the Late 1700s to the Early 1800s », dans Journal of Glass Studies, vol. 50, 2008.