Par Galerie Lamy Chabolle
DEMANDE D'INFORMATIONS
Mobilier et objet d'art des XVIIIe, XIXe et XXe siècle
Terre blanche, décor à l'engobe.
France. 33,5 x 33,5 cm.
La Nature morte à la cuiller fait partie des quelques pièces de céramique originales qui, selon Pierre Cabanne, grand biographe de l’artiste, ont été conçues par Pablo Picasso le 22 décembre 1952 à Madoura, l’atelier investi par Picasso après une visite improvisée en 1946, et aux côtés de Françoise Gilot, des poteries de la petite ville de Vallauris, située entre Cannes et Antibes.
Il semble que Picasso, après les quatre années terribles passées dans le Paris de l’Occupation, années marquées par des œuvres sombres et tragiques telles que la Nature morte au crâne de bœuf en 1942 ou la Tête de mort de 1943, ait trouvé une sorte de refuge loin de Paris, dans le Sud de la France, avec des sujets prosaïques et paisibles. Ces mots devenus célèbres, dits à Malraux par Picasso, prennent alors tout leur sens. Malraux dit à Picasso :
« Vous m’avez parlé du thème de la mort, au sujet des ...
... Fusillades de Goya. Vous avez représenté des femmes enceintes depuis… combien ? L’Étreinte est de 1905 ?
— 1903.
— La naissance et la création sont peut-être aussi profondes, aussi troublantes que la mort — et pour les mêmes raisons.
— Je descends avec vous : je vais à Saint-Germain-des-Prés. »
Dans l’escalier très sombre, sa voix, derrière moi, a retrouvé la blague :
« J’ai oublié de vous montrer mes assiettes. J’ai fait des assiettes, on vous a dit ? Elles sont très bien. (La voix devient grave.) On peut manger dedans. »
La céramique, ainsi, forme, sinon la partie la plus représentative de l’œuvre de Picasso dans l’immédiat après-guerre. Elle en est en tout cas une de facettes les plus importantes.
Cette version de la Nature morte à la cuiller est empreinte des mentions : « Madoura plein feu » et « Empreinte originale de Picasso ». Georges Ramié, qui supervisait lui-même la production de Picasso à Madoura, et qui publie le premier catalogue des céramiques de Picasso, fait la distinction entre trois catégories de céramiques dites originales, savoir : les œuvres uniques, modelées et parfaites individuellement par Picasso ; les « empreintes originales », obtenues par estampage à partir d’une matrice en plâtre conçue par Picasso, et dont les tirages sont approuvés personnellement par Picasso ; les « répliques authentiques », produites par les potiers de Madoura d’après les modèles de Picasso, mais sans intervention de l’artiste.
Cette version de la Nature morte à la cuiller fait donc partie de la deuxième catégorie des œuvres en céramique originales de Picasso, et porte le numéro 151, sur un tirage limité à 200 exemplaires.
Sources
Georges Ramié, Céramiques de Picasso, Paris, 1974 ; André Malraux, La Tête d’obsidienne, Paris, 1974 ; Pierre Cabanne, Le Siècle de Picasso, Paris, 1979 ; Alain Ramié, Catalogue of the Edited Ceramic Works. 1947-1971, Vallauris, 1988 ; Paul Bourassa, « Rencontres avec la céramique », dans Picasso et la céramique, Paris, 2004.