Maison Chaumet - Collier de la collection "Pierres d'or" design René Morin, vers 1985

... et arrive à Paris en 1957. Il se lie d’amitié avec des artistes peintres et des sculpteurs d’avant-garde, parmi lesquels Yves Klein et la galeriste d’art contemporain Iris Clert, qui lui commande des modèles de clips. René Morin entre en 1962 chez Chaumet : parmi ses premières créations de l’époque pour la célèbre maison, une tête de taureau sculpté dans un bloc de lapis-lazuli, habillé de cornes d’or et d’une toison pavée de pierres fines, ainsi qu’une série de broches et de clips élaborés à partir de fragments de lapis, de jaspe et d’autres pierres décoratives. Il joue ainsi aisément sur les oppositions de surfaces polies ou rainurées, provoquant des effets de reliefs et tout un univers optique mobile, qui se développe dans sa collection « Bijoux géométriques » des année 60. La maison Baccarat sollicite Chaumet pour le faire travailler à partir de blocs bruts de cristal : l’orfèvre imagine un « Bestiaire fabuleux » en associant le cristal à la joaillerie, exposé avec grand succès médiatique en 1970 au Musée parisien de la Chasse et de la Nature, ensuite à Rome, et dans différentes villes des Etats-Unis. René Morin innove également en associant le bronze à l’or et aux pierres précieuses dans certains bijoux et objets d’art.
Gemmologue et membre de la Chambre syndicale des experts professionnels des objets d'art, René Morin était certes un expert en pierres précieuses, mais cela ne l'empêchait pas de s'intéresser davantage à l'esthétique qu'à la valeur des minéraux. Sa grande audace des années 80 est une collection « Pierre d’or » : de grands cabochons d’or fin sont mis en valeur par les pierres précieuse qui le sertissent. Ces cabochons d’or tiennent le rôle habituellement attribué aux pierres précieuses, ce qui était jusqu’alors inédit. L’inspiration de ces bijoux prend sa source dans l’architecture parisienne : c’est en regardant des cartouches sculptés au-dessus de portes d’immeubles du XIXème siècle que René Morin eut l’idée de donner à ces « Pierres d’or » une forme d’ove. Les premiers gouachés de cette collection, d’une grande élégance de dessin, datent de 1980.
Cette collection constitue une étape importante pour la maison Chaumet, d’un opulence très baroque, symptomatique d’une conception du luxe cultivée et éclectique dans ces années 80. Une collection « Liens d’or » plus accessible, avec ces même cabochons d’or, mais sans chaîne d’or (remplacée par des cordons de passementerie de soie, au choix de différentes couleurs) à été également diffusée. Durant cette même décennie, l’artiste réalise aussi - toujours pour Chaumet - une collection appelée « Nouveaux Regards » : il s’agit d’une mise en scène d’objets d’art reflets de différentes civilisations, métamorphosés par l’intervention de l’orfèvre, qui s’en justifie ainsi : « La fusion entre l’art du passé et celui du présent donne à ce qui a vécu la possibilité d’exister à nouveau, de revivre autrement… ». En 1986-1987, il réalise encore une série d’objets spectaculaires intitulée « Architectures polychromes », toute autant révélatrice des influences croisées de cette époque, mais aussi de la grande sensibilité de sculpteur de l’orfèvre.
En 1990, René Morin fonde sa propre société, travaillant pour de grands noms tels que le roi du Maroc Hassan II, et pour d’autres prestigieuses maisons de joaillerie de la rue de la Paix. Au cours d’un parcours d’une prolifique imagination, l’orfèvre a réalisé également de nombreuses épées d’académiciens ou d’épées d’apparat - la première dans les années 50 pour son ami Yves Klein, fondateur d’un éphémère et fantaisiste ordre de chevalerie - d’autres beaucoup plus « officielles » pour Georges Isnard, Javier Perez de Cuellar, Georges Vedel, Jean-Denis Bredin, François Cheng, exécutées dans les ateliers de Chaumet ou de Boucheron. Par son goût de l’innovation et sa connaissance intime des matériaux, René Morin est considéré comme un des plus grands artistes du renouvellement de la joaillerie au XXème siècle.
(Source documentaire principale : article « René Morin, bijoux et objets précieux » par Marie-Emilie Vaxelaire, dans la revue « L’Estampille / L’objet d’art », n° 412, avril 2006)