Exceptionnelle paire de cabinets incrustés de plaques en pierres dures

... Karl de Wurtemberg

Ancienne collection de Wera Constantinova, nièce de la précédente, duchesse de Wurtemberg (1854-1912) ; sa fille Olga de Wurtemberg (1876-1932) ; son beau-frère Albrecht zu Schaumburg-Lippe qui la mit, sans doute, en dépôt au château de Ludwigsburg ; vendue par ses descendants après 1946

2002, vente aux enchères à Mannheim

Acquis du précédent par la Galerie Didier Aaron qui les présente à la Biennale des Antiquaires à Paris, en 2004

2004, collection T. Obiang

Acquis à la vente judiciaire du 20/01/2023 à Drouot par l’actuel propriétaire

Bibliographie
Didier Aaron, Catalogue VIII, Paris-Londres-New York, 2004, n° 46
Christophe Huchet de Quéneteau, Les Styles Consulat et Empire, Paris, éd. de l’Amateur, 2005, la paire décrite
p. 133-136, un cabinet reproduit p. 135
Aurélia et Anne Lovreglio, Dictionnaire des Mobiliers et Objets d’art du Moyen Âge au XXIe siècle, Paris,
Dictionnaires Le Robert, 2006, reproduit l’un p. 122 et l’autre p. 138


Les meubles des années 1800, sur lesquels on remarque la présence d’un tablier à palmettes et de pieds à griffes de lion, sont généralement attribués à Adam Weisweiler ou aux Jacob. On en connaît de non estampîllés, acquis par des cours étrangères ou de grands collectionneurs de l’époque.
Le tsar Paul Ier acheta ainsi, entre 1799 et 1801, un ensemble mobilier comprenant trois commodes à vantaux et deux secrétaires pour ses différents palais. La Cour d’Angleterre appréciait également ce type de commodes à vantaux dont une paire meublait la chambre du roi George IV.

Ici, il s’agit d’une paire de cabinets bas de forme architecturée en placage d’ébène, couverts d’un plateau en marbre noir de Belgique. Ils ouvrent en façade par un large vantail et une petite porte. Un tiroir dissimulé en ceinture permet d’accéder à un compartiment secret.
Chaque cabinet est orné de dix tableaux en marqueterie de pierres dures sur fond de pierre noire de Belgique, régulièrement répartis en façade.
Au centre du vantail, une corbeille de fruits en calcaire des Darnes décore un grand panneau carré sur un cabinet.
L’autre est orné d’un vase de fleurs animé de papillons en vol. La fleur principale, épanouie, est réalisée en jaspe jaune de Volterra.
Sur les côtés, huit petits panneaux en pierres marbrières et pâtes de verre présentent un décor de tiges fleuries alternées d’oiseaux sur des branches.
En ceinture, la large plaque rectangulaire est traitée en haut relief. La composition de fruits en pierres marbrières, racines
d’améthyste et cornaline en intarsio ressort sur le support en lapis-lazuli et l’entablement en marbre turquin.
Adam Weisweiler, reçu maître à Paris
en 1778 et actif jusqu’en 1809, a inventé
un nouveau type de meubles ornés
de pierres dures. Dans ses dessins,
figurent des panneaux tant en mosaïque
qu’en relief datant du XVIIe siècle. Ils
proviennent des ateliers grand-ducaux
florentins, l’Opificio delle Pietre dure,
ou de la Manufacture royale des
Gobelins.
C’est à une clientèle royale que le grand ébéniste destinait ses créations. Une commode, ornée de panneaux signés au revers par Giachetti et provenant donc de meubles démontés ayant
appartenu à Louis XIV, fut acquise par le futur Georges IV (1762-1830) ; elle se trouve aujourd’hui à Buckingham Palace . Une autre commode à vantaux, achetée par Charles XIII de Suède, présente un superbe triomphe de fruits et de fleurs signé par Giachetti, vraisemblablement pris sur le cabinet n° 16 du mobilier de Louis XIV .
Citons également une table-console
ayant appartenu à Constance de Théis (1785-1845), princesse de Salm, avant de rejoindre les collections royales anglaises. Les laques de pietra dura en relief, qui figurent comme ici une composition de fruits, proviennent d’un cabinet du XVIIe siècle .
Sur cette paire de cabinets, la qualité du décor en bronze doré, manifeste dans la ciselure des baguettes d’encadrement
à perles et palmettes, des frises de fleurons et palmettes, de rais-de-coeur et des pieds griffes, permet d’avancer la collaboration de Thomire, le plus grand sculpteur bronzier de sa génération. Martin-Eloi Lignereux s’était fait une spécialité de ces meubles dont l’architecture correspondait a goût du nouveau siècle mais dont le luxe des matériaux les distinguait sur le marché.
La première paire qu’il composa « dans cette forme et ce style particulier », comme en témoigne le Mémoire de sa Maison à la date du 20 juin 1803, se trouve aujourd’hui au Château de
Windsor (fig. 5). Cette production si singulière est le fruit d’une étroite collaboration avec Adam Weisweiler et Pierre-Philippe Thomire, qui ne dura pas plus de six ans, entre 1803 et 1809.