Deux Etudes de nuage par Henri Martin (ca. 1886)

... Martin manifeste très jeune des dons pour le dessin. Après avoir travaillé selon le vœu de ses parents chez un marchand de draps , il entre à l’Ecole des Beaux-Arts de Toulouse, sa ville natale. Il en sort à l’âge de dix-neuf ans, récompensé du Grand Prix et d’une bourse d’études. Il poursuit alors son apprentissage à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, où il est l’élève de Jean-Paul Laurens. De 1880 à 1889, il expose au Salon des Artistes Français des œuvres dans un esprit traditionnel, réalisées dans une technique académique.

En 1885, il obtient une bourse de voyage qui lui permet de visiter l’Italie et d’étudier les primitifs en compagnie d’Edmond Aman-Jean. La découverte de la lumière méditerranéenne, de la peinture de Giotto et la rencontre avec Segantini ont une grande influence sur son œuvre. Par l’intermédiaire de son ami Aman-Jean qui est un proche de Seurat, Henri Martin s’intéresse aux recherches divisionnistes et fait radicalement évoluer sa technique. Notre œuvre, réalisée selon Madame Destrebecq-Martin vers 1886, est un intéressant témoin des recherches de l’artiste pour faire évoluer son style vers une plus grande liberté de peinture.

Il expose au Salon des Artistes Français de 1889 « La Fête de la Fédération », traitée en touches hachées et parallèles qui montre Lafayette prêtant serment sur l’autel de la patrie. C’est la première fois que le peintre ose à ce point éclairer sa palette en juxtaposant ses couleurs en petits tas grenus. Dorénavant, il utilise une peinture claire, décomposant les tons pour exprimer les vibrations de la lumière. Henri Martin s’affirme également comme un décorateur hors pair effectuant de nombreuses commandes publiques . Il se détache peu à peu des thèmes symbolistes de ses débuts pour s’orienter vers un style mêlant fauvisme et pointillisme.

C’est vers 1890 qu’il découvre la campagne du Quercy et achète une maison à La-Bastide-du-Vert près de Cahors. Il y séjourne longuement et y peint des scènes champêtres et familiales. En 1912, il acquiert une maison à Saint-Cirq-Lapopie dans le Lot. Puis en 1923, il s’installe à Collioure sur la côte méditerranéenne. Cette région devient une source d’inspiration pour un grand nombre de ses toiles.

Nommé Commandeur de la Légion d’Honneur en 1914, il est élu à l’Académie des Beaux-Arts en 1917, section peinture. Chacune de ses expositions personnelles, en particulier à la Galerie Georges Petit, connaît un véritable triomphe. Le musée Henri Martin de Cahors continue d’honorer sa mémoire, exposant en permanence une cinquantaine de ses toiles.

2. Description de l’œuvre et œuvre en rapport

Le petit format de notre œuvre nous invite à y voir une œuvre réalisée en plein air, sur le motif. On pourrait d’ailleurs tout à fait imaginer que les deux côtés du même panneau aient été réalisés le même jour, le peintre commençant par les Nuages rose-doré avec une belle lumière de fin d’après-midi, avant de compléter le Ciel tourmenté au verso alors que l’orage approche.

Alors que la facture des Nuages rose-doré est encore assez sage, celle du Ciel Tourmenté au verso est beaucoup plus expressionniste : d’importants empâtements permettent d’évoquer de manière assez saisissante le caractère tri-dimensionnel du cumulonimbus en train de se former. Ce côté du panneau nous semble être très caractéristique des recherches d’un jeune artiste, qui ose sur un petit format une liberté de touche que l’on ne retrouve guère dans le reste de son œuvre.

Le paysage de collines au pied des Nuages rose-rosé nous semblent pouvoir être mis en rapport avec celui des Errances du Berger, un tableau daté de 1885-1887 encore influencé par le symbolisme et récemment passé en vente chez Sotheby’s (dernière photo de la galerie).