Par Galerie Alexandre Piatti
D’une beauté rare, cette sculpture en bois polychrome représente le Christ en croix dans une représentation empreint d’un naturalisme émotif. Il date du XVI siècle et serait issu d’un atelier de Milan en Lombardie.
Il est présenté avec une tête mince et souffrante où sa douleur manifeste reste contenue, avec un front légèrement plissé, la mâchoire tendue qui montre le tourment qui l’habite. Sa bouche entrouverte, laisse imaginer les derniers souffles qu’il délivre avant de mourir. Ses deux joues creusent présente des pommettes prédominantes et hautes.Quant à ses yeux mi-clos soigneusement sculptées lui confèrent une tension dramatique maitrisée. La fin de son visage se termine par un menton pointu qui glisse légèrement vers l’avant. Sa tête légèrement penché qui tombe sans vie accentue le naturalisme qui lui est accordé.
Son corps émacié permet de distinguer les tendons de ses bras et ses jambes repliés sur elles-mêmes. Sur sa cage ...
... thoracique saillante, on distingue sa plaie ouverte ainsi que son abdomen tendu. Le Christ porte un périzonium sur les hanches. Il est maintenu par un noeud de chaque coté, qui émerge à la hauteur de la ceinture. Le tissu plissé recouvre la moitié de ses cuisses. La fin de ses jambes sont courbées vers l’avant et ses pieds sont superposés l’un sur l’autre. L’absence de cheveux et de barbe, laissant apparaître une tête nue, suggère qu’à l’origine, celle-ci était probablement ornée de véritables cheveux ou de crins de cheval, selon la pratique courante de l’époque.
Le caractère articulé de cette oeuvre lui confère une singularité exceptionnelle. Il existe aujourd’hui seulement une soixantaine d’exemplaires dont la majeur partie se trouve encore en Italie. Sa tête et ses bras mobiles permette de transformer la figure du Crucifié en un Christ déposé, les bras le long de son corps lui donnant ainsi l’impression d’être une ImagoPietatis. Ce dernier est dans un excellent état de conservation, avec seulement quelques parties manquantes à ses doigts et une trace de brûlure sur son bras droit, sans doute causée par un cierge. Cette marque discrète fait écho aux rites et usages dévotionnels qu’a connus la sculpture au fil du temps. Sa taille nous laisse penser que ce dernier était destinée à une dévotion privée.
Ce type de sculpture est issu d’une tradition qui s’est développé au Moyen-Âge au cours du X-XIe siècle destiné à la dévotion populaire. Leur usage, souvent lié à des confréries religieuses, prenait place dans des cérémonies dramatisées de laSemaine Sainte. L’utilisation du bois polychrome permet une représentation naturaliste rendant le Christ davantage humain auprès de ces fidèles afin que ces derniers puissent s’y identifier et participer à son sacrifice. Ce Christ ne témoigne plus seulement d’une restitution du moment dramatique de sa Passion mais devient un médium de médiation pour les fidèles. Ainsi, ces derniers ne sont plus seulement regardeurs mais acteurs avec un engagement émotionnel sans précédent durant les liturgies.
On peut attribuer cette sculpture à Giovanni Angelo Del Maino, le plus grand sculpteur de bois de la Renaissance du duché de Milan. En effet, ce dernier a réalisé un magnifique crucifix vers 1505-1530 qui possède de nombreuses similitudes avec le notre. Les deux oeuvres s’inscrivent dans la tradition lombarde de la statuaire religieuse en bois polychrome, particulièrement vivace au tournant des XVe et XVIe siècles. Le Christ articulé de Giovanni Angelo Del Maino, constitue un sommet de cette production, tant par sa qualité d’exécution que par l’intensité expressive qu’il déploie.
L’un des points communs les plus notables entre les deux oeuvres est leur caractère articulé. Sur le plan stylistique, les deux Christs révèlent une recherche poussée du naturalisme : les visages émaciés et l’anatomie traduisent une volonté de rendre perceptible la souffrance physique et spirituelle du Christ. Giovanni Angelo Del Maino, en particulier, excelle dans l’articulation entre expressivité contenue et maîtrise formelle, conférant à ses oeuvres un équilibre subtil entre pathos et noblesse sacrée c’est ce que l’on retrouve dans notre sculpture. Dans les deux cas, nous remarquons également l’absence de cheveux et de barbe, renforçant leurs similitudes. Les drapés aux plis dynamiques, illustrent également un traitement naturaliste du tissu, renforçant l’illusion du mouvement et la vraisemblance matérielle.
De nombreux autres artistes se sont essayé à réaliser cesChrists articulés, l’un des exemples les plus connus est actuellement exposé au Met à New York. On y retrouve les mêmes caractéristiques, à savoir les bras articulés, une tête et un menton nus ainsi qu’un périzodium qui entoure les hanches du Christ.
Ainsi, ce Christ articulé témoigne d’un savoir-faire exceptionnel, alliant maîtrise technique, expressivité retenue et intensité spirituelle. Par son naturalisme et sa fonction liturgique, il incarne une forme de dévotion incarnée et participative. Œuvre rare et précieuse, il s’inscrit dans la lignée des plus grands maîtres lombards, et évoque avec force le lien intime entre art, foi et émotion.
Conditions générales de livraison :
Pour chaque souhait d'acquisition, des frais de conditionnement et d'envoi sont à rajouter au montant de l'objet d'art.
L'envoi peut être réalisé en France, en Europe et à l'international.