Par Franck Baptiste Paris
Rare bureau plat en placage d’amarante et bronze finement ciselé et doré au mercure.
Il ouvre par trois tiroirs en façade ; dont deux tiroirs de forme oblongue sur les cotés et un grand tiroir à retrait de forme trapézoïdale en partie centrale.
Chaque tiroir présente un encadrement à platebande en bronze ; les tiroirs latéraux avec des poignées tombantes à tores de lauriers et rosaces et des petites entrées de serrures à décor floral.
La face opposée arbore un décor identique qui simule trois tiroirs.
Les quatre pieds délicatement cambrés sont agrémentés de chaussons en bronze à décor d’acanthes terminées par des petites boules en partie basse et présentent d’importants masques de femmes en partie haute.
Ces masques positionnés en écoinçons suivent la courbe du pied ; ils sont surmontés de palmettes et terminés par une chute d’acanthe entrecroisée et ajourée.
Les traverses sont chantournées ; elles forment des « C » agrémentés de ...
... bronzes à frises de godrons décroissants qui suivent la découpe des tiroirs et servent de séparation avec le tiroir central .
La partie médiane des cotés présente un encadrement à platebande similaire à celui des tiroirs.
Le plateau est gainé d’un cuir rouge en trois parties dorées aux petits fers ; il est encadré d’une importante lingotière en bronze à double bec de corbin.
L’Intérieur des tiroirs est en chêne, le bâti en bois résineux de sapin.
Belle ornementation de bronzes d’origine.
Attribuable à François Lieutaud, probablement en sous traitance pour le marchand mercier Noël Gérard, Paris début du règne de Louis XV vers 1730-1740.
Dimensions :
Hauteur : 76 cm ; Largeur : 147 cm ; Profondeur : 77 cm
Etat de conservation :
L’état de conservation de notre bureau est optimal, le bâti, le placage, les fonds et les intérieurs des tiroirs sont d’origine.
Les bronzes et les trois serrures sont également d’époque.
Mis à part quelques petites restaurations d’usage au placage, le bureau est dans sont complet état d’origine.
Notre avis :
Le bureau que nous présentons est attribuable au grand maitre François Lieutaud qui fût un des grands fabricants de bureaux et l’ébéniste le plus en vue après la mort de son confrère et ami André Charles Boulle en 1719.
A partir de cette date les commandes des grands de ce monde affluent vers Lieutaud qui commercialise sa production par l’intermédiaire du marchand Mercier Noël Gérard .
Ce dernier exerce sous l’enseigne « au cabinet d’Allemagne » et fournira les oeuvres de Lieutaud aux cours Bavière et de Saxe.
Deux bureaux estampillés « FL » et livrés vers 1725 pour les grands électeurs sont toujours conservés dans les palais de Munich et d’Ansbach (N° inv BA M13 et N° Inv ANSRES M49) , d’autres exemplaires similaires sont aujourd’hui exposés à la bibliothèque de l’arsenal et un exemplaire passé en vente à Paris (Vente Piasa 15 Juin 2016) et qui porte la marque de l’assemblée nationale (ASSNAT) nous prouve que ces bureaux furent destinés à une élite princière.
Il est pratiquement certains que ces deux derniers bureaux furent aliénés à la révolution à partir des collections royales saisies.
Enfin un dernier bureau similaire conservé au Toledo Museum (N° Inv 1952.61) et estampillé « NG » pour Noël Gérard nous permet d’affirmer que ce dernier commercialisait les oeuvres de son confrère, car le montage très particulier est identique sur tout le corpus de bureaux et nous savons que ce dernier était le pourvoyeur de mobilier des cours allemandes.
L’absence d’estampille sur certains bureaux s’explique peut être par un privilège royal qui dispensait de taxe les ouvrages réservés à la cour et/ou par une obligation d’estampiller les ouvrages destinés à l’exportation.
Le bureau que nous présentons reprend le même montage avec cette ligne à succès de Lieutaud ou les tiroirs oblongs et un tiroir trapézoïdal à retrait sont séparés par des bronzes godronnés , et ou les bronzes sont similaires comme pour les poignées tombantes et les rosaces.
Rappelons que le roi Louis XIV avait donné à Lieutaud, tout comme à André Boulle, le privilège de fondre lui même ses bronzes.
Toutefois notre bureau diffère légèrement de ce corpus car il suit l’évolution de la mode et s’adapte à la fluidité du style Louis XV naissant, les masques de femmes sont moins proéminents et suivent les galbes plus prononcés du pied, qui lui aussi se cambre plus fortement tout en s’allégeant en partie basse ; les traverses latérales sont chantournées et désormais la puissance du style Louis XIV laisse peu à peu la place à la délicatesse et à la légèreté du style Louis XV.
Cette évolution est aussi visible dans le montage avec l’apparition de fond de tiroirs en chêne qui commencent à remplacer les fonds en noyer dans les années 1730-1740 chez les grands maîtres dont fait parti François Lieutaud.
Notre charmant bureau au luxueux placage « lie de vin » et à la riche ornementation de bonze représente le sommet de la production du début du règne de Louis XV.
Son auteur François Lieutaud s’inscrit comme un des plus grands producteurs de bureaux du siècle des Lumières.
François Lieutaud (1665-1748), est un ébéniste originaire de Marseille et reçu maître à Paris à la fin du XVIIe siècle. ?Il est le père de Charles LIieutaud, lui-même ébéniste et le grand-père de Balthazar Lieutaud ébéniste également qui sera surtout connu pour la fabrication de caisses d’horlogerie. Installé à Paris, rue Traversière puis rue Saint Nicolas, il exécute avec le célèbre André Charles Boulle, quelques-uns des plus beaux meubles de Versailles. Les actes d’un procès de l’époque indiquent, qu’à titre exceptionnel le Roi Louis XIV lui avait accordé le rare privilège de pouvoir créer et fabriquer les bronzes de ses meubles, car à cette époque là, seule la corporation des bronziers avait cette exclusivité. Une partie de sa production est en marqueterie dite « Boulle » avec des incrustations de filets métalliques (laiton, étain) sur des fonds d’ébène, d’écaille de tortue ou d’amarante, une autre est en placage monochrome de bois exotique. Ses meubles sont parés d’une riche et originale ornementation de bronze ou l’imaginaire Boullesque prend le dessus.Les faunes, les masques de femmes, les déesses et les bacchus qu’il sculpte et fond lui même ornent sa production qui se compose de commodes, de bureaux, de tables et de cartels.Une partie est commercialisée par le marchand mercier Nöel Gérard qui exerce sous l’enseigne « au cabinet d'Allemagne » avant de reprendre le « magasin général » qui sera l’épicentre du luxe à Paris.Lieutaud travaillera quasiment jusqu'à la fin de sa vie puisqu’il livre au garde meuble une commode pour l’usage de la marquise de Pompadour au château de Bellevue dans les années 1740-1750.
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