Par Kolhammer & Mahringer Fine Arts
Spécialisé dans les sculptures et les peintures de maîtres anciens
Rareté romane
Alpine
Vers 1150/70
Noyer sculpté
Restes de polychromie d'origine
Hauteur 99 cm
Exposé :
Gotik- & Bergbaumuseum, Leogang
Janvier 2024 - Janvier 2025
Selon la tradition, Catherine était la fille d’un roi de Chypre. Elle a rejeté tous les prétendants, a reconnu Jésus-Christ comme le véritable époux et s’est rendue à Alexandrie. Là, elle refusa de sacrifier aux idoles devant l’empereur romain Maxence, qui la fit alors martyriser. Elle fut notamment rouée de coups et finalement décapitée. La martyre est considérée comme l’un des quatorze sauveurs et représente la plus importante des saintes vierges. Dans le langage populaire, on dit : « Margaretha mit dem Wurm, Barbara mit dem Turm, Katharina mit dem Radl, das sind die heiligen drei Madln » (Margaretha avec le ver, Barbara avec la tour, Catherine avec la roue).
De nombreux aspects convainquent de la rareté et de la qualité muséale de cette statue de grande importance. Alors que ...
... les représentations sculpturales de sainte Catherine sont courantes à l’époque gothique, cette sculpture d’époque romane est probablement unique en son genre, avec une datation aussi précoce, vers le milieu du 12e siècle, et dans un état de conservation aussi exceptionnel. La fresque la plus ancienne représentant Catherine a été réalisée dans la première moitié du 8ème siècle et c’est au siècle suivant que les légendes autour de sa personne se sont finalement consolidées. Au Xe siècle, elle fut inscrite au registre des saints et au XIIe siècle, elle était considérée comme la patronne des croisés, d’autres patronages s’ajoutant au XIIIe siècle, notamment celui des vierges, des épouses, des philosophes, des enseignants, des typographes, des hôpitaux et des bibliothèques.
Cette figure muséale se distingue particulièrement par sa taille de 99 cm et le matériau choisi. Les figures romanes en bois sont étonnamment rares dans la région alpine. Alors que la plupart des fragments, reliefs et figures romanes sont souvent conservés dans une version en pierre, il s’agit ici d’une sculpture indépendante en bois de noyer fin, taillé en plein cintre. Cela souligne la visibilité de cette représentation extrêmement ancienne de Catherine. La sculpture se tient debout et présente des proportions longilignes et une stature élevée. Celle-ci est soulignée par le cou allongé et élégant et reflète habilement la verticalité typique des sculptures romanes. Elle tient la roue du chariot dans sa main gauche pliée. De la main droite, elle tient la poignée de la longue épée à large lame, dont la pointe touche presque son pied. Il s’agit des attributs typiques de Catherine, qui font référence à son martyre, et ces signes distinctifs identifient clairement la représentation comme étant celle de sainte Catherine.
La tête ovale de Catherine est surmontée d’une large couronne qui l’identifie comme la fille du roi. En dessous, des cheveux ondulés en forme de crosse tombent doucement et encadrent parfaitement le visage convexe et proéminent aux petites oreilles. Le front haut reflète un idéal de beauté particulier, selon lequel les femmes se rasaient les cheveux au-dessus du front pour obtenir une chevelure plus haute. Le visage très symétrique se caractérise par des arêtes de sourcils bien dessinées qui se prolongent par un nez marqué à l’arête droite. Le philtrum allongé se termine par une bouche étirée en un sourire malicieux et un petit menton avec une fossette centrale. Le regard de Catherine est particulièrement expressif : ses yeux en amande, très rapprochés et enfoncés, avec des paupières supérieures et inférieures prononcées, lui donnent avant tout un air alerte et fier. En même temps, son visage gagne en vivacité juvénile et majestueuse, ce qui fait que les spectateurs s’arrêtent.
Les vêtements luxueux de la martyre soulignent également son importance : une lourde cape au col relevé descend le long de son corps jusqu’aux genoux et est maintenue au-dessus de sa poitrine par une grande broche en forme de losange, qui rappelle encore les fibules romaines. La robe en dessous tombe également en épais plis diagonaux sur le bord du sol. Catherine porte de simples chaussures pointues qui ressortent sous le tissu. L’alternance des drapés est ici passionnante : alors que la robe du haut repose sur le corps de manière pâteuse et ajustée, la robe du bas, plus volumineuse, contraste par des plis parallèles plus profonds qui confèrent au personnage une certaine corporalité. Cela crée un contraste dans la composition avec le torse allongé et la main gauche pleine d’espace qui présente l’attribut au spectateur. De manière ludique, les plis soulignent également certaines caractéristiques du personnage, comme le pli diagonal à plat sur la poitrine, qui dirige le regard du spectateur vers la main gauche tendue, ou la touffe de plis située juste en dessous et dirigée dans la direction opposée, qui encadre la main droite de Catherine et met ainsi en évidence le deuxième attribut.
L’époque romane se caractérise par un haut degré de stylisation des personnages, même si cette Catherine est clairement liée à l’époque dans sa conception stylistique globale. Les proportions allongées ne reflètent pas le réalisme, mais une perspective de signification. La plupart du temps, la tête est représentée plus grande que le corps, ce qui fait partie de l’attitude et de l’expression archaïques, qui montrent un recours aux modèles de l’Antiquité tardive et de Byzance. La représentation symbolique et univoque avec l’accent mis sur les attributs centraux pour une reconnaissance facile, ainsi que le traitement des surfaces, comme par exemple le manteau, sont d’autres caractéristiques typiques de l’époque romane. La sculpture française du deuxième quart du 12e siècle et la sculpture des Alpes occidentales fournissent de bonnes comparaisons. Le relief du Jugement dernier sur le tympan ouest de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, en Bourgogne, réalisé vers 1120-35 par le sculpteur Gislebertus, constitue une œuvre de comparaison. Les caractéristiques similaires sont les plis de la cuvette parallèles vers le bas et serrés contre le corps, ainsi que les panneaux de tissu drapés de pâte. Un groupe de figures de la Sainte Famille en relief sur pierre datant de la période 1100-1150 et conservé sur la façade de l’église de pèlerinage Maria Schnee à Obermauern dans le Tyrol oriental présente une comparaison extrêmement impressionnante. Ici, la physionomie de Marie présente une ressemblance frappante avec les yeux en amande soulignés et l’axe vertical nez-bouche avec une fossette centrale. En outre, les plis charnus sur le côté et les plis longitudinaux en diagonale au-dessus des pieds de la Vierge sont étroitement liés à ceux de sainte Catherine.