Par Galerie Lamy Chabolle
Mobilier et objet d'art des XVIIIe, XIXe et XXe siècle
Pays-Bas.
Fin du XVIIe siècle.
h. 36 cm.
La première mention de l’Architecture de Jean de Bologne apparaît en 1611 dans l’inventaire de la collection de Markus Zäch à Augsbourg, où elle est décrite comme una donna a sedere che rappresenta l’architettura. Il s’agit sans aucun doute de l’allégorie de l’Architecture, parfois intitulée Géométrie, telle qu’elle figure déjà dans Le Cabinet de Cornelis van der Geest, peint en 1628 par Willem van Haecht, puis dans la Galerie de Girardon gravée par René Charpentier au début du XVIIIe siècle : assise, la tête ceinte d’un diadème, tenant compas et équerre dans la main droite et une tablette oblongue dans la main gauche.
Jean de Bologne exerçait lui-même le métier d’architecte et semblait accorder de l’importance à ce statut. Il porte les titres de Statuarius et Architectus dans un portrait de 1589 gravé par Gijsbrecht van Veen, et il porte les outils de l’architecte encore dans un autre ...
... portrait attribué à Hans von Aachen ainsi que dans les fresques de Federico Zuccaro peintes sous la coupole de Santa Maria del Fiore. En dépit de cette tendance à mettre au même rang son statut d’architecte et celui de sculpteur, on ignore quels projets architecturaux d’importance peuvent lui être attribués en dehors de la chapelle Salviati de l’église San Marco à Florence.
Il est probable que l’Allégorie de Jean de Bologne soit inspirée de l’Allégorie de l’Architecture achevée par Bandini d’après les dessins de Vasari en 1568 pour le tombeau de Michel-Ange à Santa Croce. La question de savoir si le modèle de Jean de Bologne a d'abord été conçu comme un marbre monumental ou un petit bronze reste toutefois sans réponse, et la version en marbre de l’Architecture actuellement conservée au Bargello, mentionnée dans les jardins de Boboli en 1789 et attribuée pour la première fois à Jean de Bologne par Supino en 1898, a été longtemps l'objet d'une controverse. Weihrauch considérait que l'œuvre était trop faible, tant sur le plan de la technique que celui de la composition, pour être attribuée au maître, estimant plutôt qu'elle soit l’œuvre de l’un de ses assistants. Keutner, qui date le marbre au début des années 1570, cite d’ailleurs Franqueville comme un candidat plausible. Radcliffe, qui a d'abord soutenu l’hypothèse plus traditionnelle selon laquelle le marbre était antérieur au bronze, s’est finalement rallié à celle de Weihrauch, allant même jusqu’à considérer qu’il s’agissait d’une copie mécaniquement agrandie du bronze.
La seule version signée de l’Architecture, et la seule reconnue unanimement comme autographe, est le bronze conservé au Museum of Fine Arts de Boston, dont les analyses techniques, conduite par Glinsman puis par Bewer, ont établi qu’il s’agissait d’un bronze à 8% d’étain et 3% de plomb et comportant moins d’ 1% de zinc, coulé à la cire perdue par la méthode indirecte et en une seule pièce. La patine, selon Bewer, en a été altérée, longtemps après avoir quitté l’atelier de Jean de Bologne.
Le bronze de Boston sert de prototype à la première des deux familles de fontes connues. Elle se distingue par des caractéristiques spécifiques : un fil à plomb suspendu au cou du personnage, qui explique la forme tendue du collier, et une traverse complétant l'équerre tenue par l'allégorie. Les plus anciennes représentations de l’Architecture, celles, susmentionnées, de Willem van Haecht et de René Charpentier, sont bien de cette famille, et tant la composition de l’alliage du bronze autographe de Boston que la légende de l’Architecture de la galerie de Girardon, qui mentionne une figure en bronze par Jean de Bologne, réparée par Susini — confirme que cette première famille est strictement italienne et florentine.
Le présent bronze relève d’un second groupe de fontes, qui diffère du précédent par deux détails, savoir : le fil à plomb et la traverse de l’équerre, qui ont disparu. Ce type d’Architecture apparaît pour la première fois dans une nature morte d’Edwaert Collier datée ca. 1665, et deux exemplaires qui s’y rattachent, conservés dans des collections publiques, l’un au Metropolitan Museum of Art et l’autre au Toledo Museum of Arts, ont été datés par Avery et Schlegel de la fin du XVII? ou du début du XVIII? siècle.
Le bronze étudié ici partage, avec ceux du Metropolitan et de Toledo, plusieurs caractéristiques, tant stylistiques que techniques, qui permettent de l’associer de façon certaine aux bronzes du second groupe. Les trois exemplaires présentent un visage identique, légèrement moins idéalisé que les bronzes du premier groupe ; une patine brun-rouge similaire, ainsi qu’une ligne de séparation au bras gauche, une cheville à l’épaule gauche et un défaut de coulée au creux du coude droit. La figure et le piédestal sont fondus d’un seul jet tandis que la terrasse a été coulée distinctement. Le bras gauche, probablement coulé à plein et séparément, comme l’indique la ligne de séparation susmentionnée, introduit de légères variations dans l’inclinaison de la tablette. Dans l’exemplaire de Toledo comme dans celui du présent bronze, la tablette est fixée au revers de la sculpture par une vis destinée à corriger un angle entre la tablette et la terrasse qui seraient trop obtus et menacerait l’équilibre de l’ensemble.
La figure, sauf le bras gauche, est coulée à cire perdue indirecte, ce qui explique l’identité de la forme, du montage et des accidents de fonte de cette dernière avec les exemples du Metropolitan et de Toledo. L’intérieur du bronze conserve plusieurs parties de l’armature employée pour consolider la cire et le noyau réfractaire préalablement à la fonte. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un bronze à proprement parler mais d’un alliage de laiton, principalement composé, par conséquent, de cuivre et de zinc avec de faibles traces d’étain et de plomb, ce qui conforte l’hypothèse d’une origine septentrionale déjà suggérée par la représentation d’un bronze du second groupe dans la nature morte d’Edwaert Collier susmentionnée. Des alliages similaires ont en effet été analysés dans plusieurs œuvres de bronziers septentrionaux, particulièrement dans les œuvres de Willem Danielsz. van Tetrode, d’Hendrick de Keyser ou encore du cercle d’Arent van Bolten. Hackenbroch et Draper, dans les entrées de l’Architecture du Metropolitan, dans les catalogues respectifs de l’Untermyer Collection, dont elle provient, et du Metropolitan, avancent également pour leur bronze, quoique sur d’autres fondements, une origine septentrionale ou française. Les inventaires publiés par Bredius attestent d’ailleurs la présence, dès le second quart du XVII? siècle, de modèles en plâtre italiens — particulièrement de Jean de Bologne ou Michel-Ange — dans les ateliers de certains fondeurs, orfèvres et sculpteurs des anciens Pays-Bas.