Crucifix en émail champlevé gravé., Limoges France, vers 1200

... émaillée de segments radiaux turquoise, rouge, noir, jaune et blanc. Le terminal supérieur porte le monogramme doré « IHS ».

Le champ environnant est orné de motifs champlevés circulaires et losangiques, disposés symétriquement le long des bras et du fût de la croix. De petits trous percés indiquent que la plaque était initialement fixée, probablement sur une croix de procession, une croix d'autel ou un couvre-livre. Le revers est uni, comme c'est souvent le cas pour ce type d'éléments montable.

Contexte iconographique et typologique
Ce crucifix appartient à un groupe ancien d'émaux de Limoges où la figure du Christ est gravée dans le métal, plutôt que coulée en relief ou composée d'émail. Cette typologie est antérieure au format plus courant de la fin du XIIIe siècle, où des figures du Christ en cuivre doré entièrement modelées étaient appliquées sur des plaques émaillées. Cette œuvre est un exemple rare où la figure est entièrement incisée dans le support en cuivre, plutôt que d'être réalisée en émail ou avec la tête ou le torse appliqués séparément.

Néanmoins, sa conception générale et ses proportions rappellent étroitement un ensemble de plaques de crucifix produites vers 1200 et associées à l'abbaye de Grandmont. En particulier, la composition de l'objet s'inscrit dans la lignée de deux exemples célèbres :
• Plaque centrale d'une croix, Metropolitan Museum of Art, New York, vers 1185-1195 (inv. 17.190.409a ; don de J. Pierpont Morgan, 1917). La figure du Christ est réalisée en émail champlevé dans un contour gravé, la composition correspondant étroitement au crucifix présent. Voir Émaux de Limoges, n° 62, p.232-233.
• Plaque centrale d'une croix, Musée du Louvre, Paris, vers 1185-1195 (inv. OA 7284). La figure du Christ est également composée en émail champlevé, avec une anatomie, une pose et une orientation faciale analogues. Voir Émaux de Limoges, n° 65, p. 237.

Le parallèle technique le plus proche est peut-être :
• Couverture de livre : Crucifixion, musée du Louvre, Paris, vers 1210-1230 (inv. OA 673). Dans cette œuvre, la figure du Christ est gravée sur la plaque de métal – exactement comme dans l’exemple présent – tandis que la tête est coulée et appliquée séparément. Le corps adopte la même forme allongée, avec un tracé de côtes similaire et un long périzonium. Voir Émaux de Limoges, n° 87, p. 280.

Ensemble, ces œuvres témoignent d’un langage limousin cohérent de la crucifixion vers 1200, où stylisation anatomique, incision linéaire et palette d’émail audacieuse convergent vers un travail du métal dévotionnel à la fonction liturgique raffinée. La présente pièce est importante car elle a conservé l'intégralité de la première variante gravée, sans ajouts ni reconfigurations ultérieurs.

Comparaisons
• Sotheby's, Londres, Old Master Sculpture & Works of Art, 10 décembre 2015, lot 304. Crucifix presque identique provenant de la collection Keir, avec corps gravé, halo cruciforme émaillé, iconographie identique et dimensions similaires. Anciennement dans les collections du Dr Philipp Lederer, d'Ernst et Marthe Kofler-Truniger et d'Edmund de Unger. Vendu par Sotheby's New York, The Keir Collection of Medieval Works of Art, 20 novembre 1997, lot 71. https://www.sothebys.com/en/auctions/ecatalogue/2015/old-master-sculpture-art-l15233/lot.304.html

• The Metropolitan Museum of Art, New York, Plaque centrale d'une croix, vers 1185-1195. Inv. 17.190.409a. Christ gravé dans une silhouette émaillée ; proportions et expression faciale presque identiques. (Émaux de Limoges, n° 62, p. 232-233).

• Musée du Louvre, Paris, Plaque du Crucifix, vers 1185-1195. Inv. OA 7284. Anatomie similaire et gravure stylisée du périzonium. (Émaux de Limoges, n° 65, p. 237).

• Musée du Louvre, Paris, Couverture de livre : Crucifixion, vers 1210-1230. Inv. OA 673. Christ gravé dans le cuivre avec tête coulée séparément. Technique très proche. (Émaux de Limoges, n° 87, p. 280).

• Musée du Louvre, Paris, La Mort de la Vierge, vers 1200. Inv. MRR 243. Inclus pour des comparaisons de composition et de palette, montrant un travail d'émail similaire dans des champs circulaires. (Émaux de Limoges, n° 78, pp. 266–67).