Par Dei Bardi Art
Chapiteau Romane à décor d’hybrides
France, XIIIe siècle
Pierre calcaire
25 x 28 x 22 cm
Chapiteau romain élégamment sculpté en haut-relief; réalisé en pierre, arbore quatre hybrides en forme de sirènes, placées aux coins et entrecoupées par quatre blasons. Le corps et la tête occupent les angles, tandis que les queues et les blasons se déploient sur les faces. L'astragale, un brin de jonc lisse, ceinture l'extrémité inférieure de la corbeille sculptée. À l'origine, le chapiteau était probablement polychrome, et les couleurs revêtaient une importance cruciale pour décrypter les blasons. Ces armoiries, symboles héraldiques riches de sens, ajoutent une dimension politique et sociale à l'œuvre.
Les quatre hybrides, identiques, présentent un visage encadré par une chevelure ondulée se déroulant en rouleau sur les oreilles, suggérant une datation à la deuxième moitié du XIIIe siècle.
Dotés de doubles queues écailleuses, ils peuvent être ...
... identifiés comme des sirènes, bien que leurs cheveux courts et l'absence de poitrine laissent penser qu'il s'agit de sirènes masculines. Le visage semble jeune et poupin, évoquant un "siréneau".
Le motif de la sirène à deux queues se prête particulièrement bien aux contraintes des chapiteaux romans. La sirène-poisson, aussi souple que sa queue, peut se tordre dans tous les sens pour s'adapter à son support. À l'époque romane, elle est principalement utilisée pour orner les corbeilles des chapiteaux et des modillons, comme celui que nous présentons. Ces créatures, plutôt imaginaires, étaient rarement observées mais abondamment discutées, occupant souvent une place prééminente dans la sculpture romane.
L'attrait pour les formes reptiliennes ne découle pas uniquement d'une fascination pour le symbolisme du Mal, mais de la facilité à les intégrer dans le cadre. Ainsi, la sirène bicaudale semble être une adaptation d'un thème antique aux contraintes propres à la sculpture romane.
Avant de revêtir une dimension emblématique et symbolique, la sirène médiévale est d'abord perçue comme une créature exotique. Son existence ne saurait être mise en doute, non seulement parce qu'elle est attestée par la Vulgate (l'exégèse médiévale n'étant jamais fondamentaliste), mais également du fait qu'elle fut décrite par Pline l'Ancien et la plupart des encyclopédistes de l'Antiquité. Une croyance répandue attribuait à une faune fabuleuse, supposée exister aux Indes ou sur les terrae incognitae, une réalité qui commençait à se dessiner. Les érudits auraient pu se questionner sur la nature de la sirène, s'inscrivant-elle dans le règne animal ou humain, une interrogation cruciale pour l'économie du salut. Généralement, au XIIe et XIIIe siècle, la sirène est assimilée au monde animal, étant un poisson à tête humaine plutôt qu'une femme au corps de poisson. Cela est confirmé par sa présence dans les bestiaires et son importance au sein des programmes iconographiques.
Dès le XIe siècle, la sirène-poisson connaît un succès spectaculaire en Occident. Les mythographes et les encyclopédistes contribuent à sa transformation progressive en être réel, les récits de marins prétendant de plus en plus souvent en avoir rencontré.
Avec l’effacement de la frontière entre l’homme et l’animal, à partir du XIIIe siècle, l’imaginaire collectif s’est emparé du bestiaire réel et monstrueux pour lui associer un certain nombre de peurs et de fantasmes. Le « devenir-animal » est dès lors l’objet et l’expression de fantasme.
Ce chapiteau roman décoré de sirènes et d'armoiries offre une fenêtre sur l'imagination médiévale et sa capacité à tisser des liens entre le monde tangible et le mythique.
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