Par Dei Bardi Art
Amour endormi
Rome, XVIe siècle
Marbre de Carrare, sur base en bois
31 × 44 cm
Taillé dans un bloc de marbre de Carrare d’une belle homogénéité, cet Amour endormi représente le jeune dieu Érosassoupi, le corps alangui sur un tertre rocheux recouvert d’une peau de lion. De part et d’autre de la figure, abandonnée au sommeil, repose un des attributs traditionnels de l’Amour – le carquois – ainsi que ceux, allusifs au sommeil et à la mort, dont la torche inversée constitue l’emblème le plus éloquent. Par la suavité du modelé et la retenue de l’expression, le sculpteur confère à la figure une grâce mélancolique, transformant le dieu du désir en une émouvante image de quiétude divine. La souplesse des contours, le discret contrapposto et le poli attentif de la surface révèlent une connaissance approfondie des modèles antiques et un goût prononcé pour le travail de la forme à échelle réduite. La patine chaude et ambrée du marbre, ...
... lentement acquise au fil des siècles, enrichit la matière d’une vibration lumineuse qui en exalte la sensualité.
Le thème de l’Amour endormi remonte à une invention hellénistique, peut-être conçue au III? siècle avant notre ère, dont l’exemple le plus célèbre demeure l’Éros en bronze du Metropolitan Museum of Art à New York. Inspiré de Praxitèle, ce type iconographique connut une fortune considérable sous l’Empire romain, où il fut multiplié en marbres et bronzes. Symbole à la fois de l’amour innocent et du sommeil éternel, il orna aussi bien les contextes funéraires que les villas, sanctuaires et thermes. Son succès durable s’explique par l’équilibre subtil qu’il établit entre beauté divine et fragilité humaine, un thème auquel les artistes de la Renaissance furent particulièrement sensibles.
La redécouverte des antiquités à Rome au début du XVI? siècle – notamment celle du Laocoon – raviva l’admiration pour les modèles classiques. L’Amour endormi fut parmi les premiers types antiques à inspirer les sculpteurs de la Renaissance. Le célèbre « Cupidon endormi » de Michel-Ange, d’abord présenté comme une œuvre antique, illustre exemplairement cette fascination pour le monde gréco-romain et la volonté d’en rivaliser la perfection. Le motif devint un paradigme de la réinvention humaniste de l’Antique, conciliant la sensualité du corps classique avec l’intériorité spirituelle propre à l’art du Cinquecento.
Les sculptures de ce type – ouvrages de petit format mais de belle qualité– répondaient au goût raffiné des cours princières d’Italie, notamment celles des Este et des Médicis, pour des objets destinés à orner le studiolo ou le cabinet d’art. La collection d’Isabelle d’Este (1474–1539), illustre mécène et épouse de François II Gonzague, marquis de Mantoue (1466–1519), comptait parmi ses pièces les plus emblématiques deux Cupidons endormis : l’un, antique, attribué à Praxitèle, l’autre dû à Michel-Ange. Deux autres exemples du même sujet, mentionnés dans les inventaires des Gonzague au début du XVII? siècle, rejoignirent ultérieurement la collection ; trois de ces quatre sculptures furent cédées en 1631 au roi d’Angleterre Charles Ier. Ces œuvres permettaient aux amateurs d’allier la vénération de l’Antique à l’admiration pour la virtuosité des maîtres modernes, tandis que la figure d’Éros assoupi trouvait de riches échos dans la poésie italienne du XVI? siècle, où elle symbolisait à la fois la douceur et le péril de l’amour.
Alliant inspiration antique et élégance renaissante, cet Amour endormi illustre avec éclat le dialogue fécond entre passé et présent qui caractérise la culture artistique romaine du Cinquecento. Par son échelle intime, la perfection de son exécution et la lumière dorée de sa patine, il s’impose comme une oeuvre d’une rare qualité, conçu pour le plaisir contemplatif des plus avertis des collectionneurs.
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