Par Stéphane Renard Fine Art
79 x 132 cm – Encadré 94 x 147 cm
Au cours de son séjour italien qui dura de 1734 à 1752, Joseph Vernet effectue entre 1737 et 1746 plusieurs voyages à Naples, où il réalise de nombreuses scènes maritimes. Le tableau que nous présentons, inspiré par ces vues napolitaines, a vraisemblalement été réalisé par un élève de l'artiste - peut-être Jean-François Genillion (1750 - 1829) - vers 1770-1780. Il témoigne de l'influence durable de ces thèmes napolitains sur la peinture des élèves de Vernet.
1. Joseph Vernet, un peintre sous l’influence de l’Italie
Né à Avignon en 1714, Joseph Vernet est formé dans l’atelier de son père, un peintre décorateur et dans celui de Philippe Sauvan (1697 – 1792), un peintre avignonnais renommé. En 1734 il part pour Rome où il fréquente les ateliers de Bernardino Fergioni (1674 – 1738) et d’Adrien Manglard (1695-1760), deux peintres de marine. Pendant son séjour romain ponctué de voyages dans la région de ...
... Naples, Vernet est très influencé par la découverte des œuvres de Claude Lorrain et de Salvador Rosa et par la peinture de Giovanni Paolo Panini (1691-1765), dont il a probablement également fréquenté l’atelier à Rome.
C’est pendant sa période italienne que Vernet se spécialise dans la peinture de marines. Il connait rapidement le succès auprès de la clientèle aristocratique du Grand Tour, comme en témoigne son livre de raison.
Il est rappelé à Paris en 1753 pour une commande royale d’importance : la représentation des Ports de France. Ces peintures conservées pour l’essentiel au Musée de la Marine à Paris constituent ses œuvres les plus connues. Reçu à l’Académie Royale, les impressions et les dessins ramenés d’Italie formeront la base à partir de laquelle il développera inlassablement jusqu’à sa mort en 1789 les mêmes thèmes, adoptant à son retour en France une technique plus porcelainée pour ses paysages maritimes, tout en perfectionnant le rendu de la lumière et les effets de brume qui feront sa réputation.
2. Description du tableau
Dans ce tableau le peintre combine plusieurs points d’intérêt pour composer un tableau très vivant, frémissant sous le vent alors que l’orage éclate et que la pluie gagne la côte. Sur la gauche du tableau un groupe de visiteurs élégants examinent les poissons qui leur sont offerts par trois pêcheurs. Ce groupe est violemment éclairé par un dernier coup de soleil, alors que l’horizon s’est assombri et que les premiers éclairs commencent à éclater.
Deux autres pêcheurs tirent leurs filets sur la droite, alors qu’un homme et une femme se hâtent de rejoindre le rivage alors que l’orage gronde ; leur démarche semble malaisée sur les rochers qui sont sans doute glissants. Une barque de pêcheur à l’arrière-plan semble se hâter d’accoster. Un dernier groupe de travailleurs des champs se trouve au pied de la muraille qui protège la jetée. Insensibles à l’orage qui menace, ils continuent de vaquer à leurs travaux agricoles, bêchant et coupant des mauvaises herbes pour les brûler.
Mais le point d’orgue du tableau est la représentation de l’orage et des éclairs qui trouent le ciel chargé en cette chaude fin d’après-midi.
3. Œuvres en rapport
L'artiste combine ici le groupe de visiteurs élégants, qui figurait pour la première fois dans la Vue sur une baie près de Naples, peinte en 1740 par Vernet et conservée aujourd’hui à Apsley House (Londres – Royaume-Uni - 10ème photo de la galerie) avec des éléments d’architecture typiques de la côte napolitaine, comme l’important complexe du môle et de la tour Saint-Vincent, dont il s’est vraisemblablement inspiré pour la structure centrale de notre tableau.
Le phare auquel nous mène une longue jetée est également un élément récurrent de la production picturale de Vernet. Nous retrouvons par exemple ce phare perché au sommet d’une colline rocheuse dans le Fanal exhaussé, une toile réalisée en 1746 actuellement conservée au Musée d’Art et d’Histoire de Genève (11ème photo de la galerie).
La disposition topographique représentée dans notre tableau sera reprise dans la Tempête sur le phare, une toile de l’atelier de Joseph Vernet (conservée aux Musée des Beaux-Arts de Nantes - 12ème photo de la galerie) qui aurait été réalisée vers 1770 – 1780. Il semble probable que les deux toiles ont été réalisées à peu près à la même période et il intéressant de noter leurs dimensions très proches : 82 x 133.8 cm pour le tableau de Nantes, 79 x 132 cm pour le notre.
L’intelligence de la composition de notre tableau, la dextérité avec laquelle est représentée l’arrivée de l’orage et la proximité avec d’autres tableaux de Vernet et de son atelier nous amènent à proposer pour notre tableau une attribution à un élève de Joseph Vernet, comme par example Jean-François Genillion, à qui les deux personnages qui se hâtent sur la jetée peuvent faire penser.
4. Encadrement
Ce tableau a été réentoilé et doté d’un nouveau châssis, vraisemblablement à la fin du XIXème siècle, date à laquelle il a été encadré dans le cadre en bois doré de style Salvador Rosa dans lequel nous le présentons aujourd’hui.
Principaux éléments bibliographiques :
Léon Lagrange – Joseph Vernet – Didier & Cie 1864
Florence Ingersoll-Smouse – Joseph Vernet, Peintre de Marine – Etienne Bignou 1926
Catalogue de l’exposition Joseph Vernet 1714 – 1789 – Musée de la Marine à Paris (du 15 octobre 1976 au 9 janvier 1977)
Emilie Beck Saiello – Napoli e la Francia – I Pittori da paesaggio da Vernet a Valenciennes – L’erma di Bretschneider, Roma 2010
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