Par Franck Baptiste Provence
Rare bureau de chambre en acajou massif ouvrant par trois tiroirs en façade.
De forme rectangulaire, il présente un plateau monoxyle (une seule planche) à cuvette sur trois cotés.
Au dessous la ceinture offre trois tiroirs sans séparation latérale et sans traverse basse.
L’ensemble repose sur deux pieds ajourés terminés par des patins.
Trés bel état de conservation.
Grande qualité de bois, acajou ramagé et moucheté sur le plateau, acajou ronceux sur les cotés, chêne rouge d’Amérique maillé pour les intérieurs de tiroirs et chêne blanc européen pour le bâti intérieur.
La tranche d’un tiroir estampillée « JF.LELEU ».
Travail de l’ébéniste Jean-François Leleu (1729-1807)*, Paris fin de l’époque Louis XV vers 1770-1775.
Dimensions :
Largeur : 98,5 cm ; Profondeur : 45 cm ; Hauteur : 76 cm
Notre avis :
Le petit bureau que nous présentons peut paraitre trés sobre au premier regard, mais le collectionneur érudit ...
... reconnaitra au premier regard l’oeuvre aboutie d’un trés plus grand ébénistes français du 18 ème siècle.
Evincé de l’atelier royal par son concurrant Riesener qui épouse la veuve Oeben, notre ébéniste va s’installer à son compte et mettre à profit l’héritage de Jean François Oeben.
Leleu va se concentrer sur la ligne, sur la qualité des bois et sur la perfection du montage, au détriment des bronzes et de l’opulence.
Véritable visionnaire qui sera parmi les premiers ébénistes néo-classiques, il nous livre ici un bureau inspiré des tables rognons, avec des pieds aux courbes encore Louis XV mais avec un plateau rectangulaire à la mode anglaise, qui préfigure le style Louis XVI.
Pour purifier la ligne, il n’utilise pas de traverse mais un plancher à retrait qui dissimule toute trace de maintien des tiroirs.
Les façades de ces derniers sont taillés dans la même planche d’acajou massif et leurs bordures sont à recouvrement pour accentuer la fluidité de l’ensemble.
Leleu excelle dans les finitions avec des coupes en onglet parfaites et des jointures et queues d’arondes millimétrées malgré un bois d’acajou massif particulièrement dur.
La variété des bois utilisés démontre une parfaite connaissance de l’ébénisterie et une ingéniosité dans la mise en oeuvre.
En effet notre ébéniste choisit uniquement les pièces de bois noble provenant du centre de la bille, la large planche monoxyle débité sur « faux quartier » pour offrir des ramages au plateau, puis le précieux quartier issu du coeur de l’arbre pour éclairer les cotés d’un acajou ronceux et la façade d’un acajou moucheté.
Comble du luxe, il utilise le même procédé pour les intérieurs de tiroirs qui reçoivent la partie noble et maillée d’un chêne rouge d’Amérique, dont la teinte rougeâtre se marie à merveille avec l acajou de la façade.
Le choix de ce bois couteux d’importation n’est pas le fruit du hasard mais un choix délibéré confirmé par la présence d’un simple bois de chêne européen pour le reste du bâti.
L’ensemble de ces éléments ancrent notre bureau dans la production de luxe du célèbre ébéniste et constitue un véritable contre pied aux productions de son grand rival Riesener, ce qui lui permettra d’obtenir les commandes des plus grands collectionneurs comme les princes de Condé, le Duchesse de Bourgogne ou encore Mme Du Barry.
*Jean François Leleu (1729-1807) est un ébéniste français formé dans l'atelier de l’ébéniste du roi Jean François Œben, comme Riesener, dont il resta longtemps le rival. À la mort du maître en 1763, il espérait obtenir la direction de l'atelier ; mais, ayant été évincé par Riesener qui épousa la veuve, il se fit recevoir maître en 1764 et s'installa à son compte. Il est influencé par Œben, mais s'affirme bientôt comme le plus néo-classique des ébénistes de son époque, peut-être à cause des commandes qui lui sont faites par Mme du Barry, dont le pavillon de Louveciennes est un exemple du nouveau style. Il garde un goût pour les lignes austères, dépouillées, les décors de bronze en grecques ou frises de postes. Son style, moins flatteur que celui de Riesener, fut un peu éclipsé par celui de son rival, mais il n'en reçut pas moins de nombreuses commandes, en particulier des Condé (plusieurs meubles qui avaient appartenu aux princes de Condé sont conservés : commode du prince de Condé au Louvre, demi-commode de la duchesse de Bourbon au Petit Trianon). Mais le succès de Leleu fut durable, car, alors que le sort de Riesener était lié à celui de la monarchie et s'effondrait avec elle, l'atelier de Leleu, repris par son gendre Stadler, conservera une clientèle.
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